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sud, sur le méridien d’Oran, le poste de Bel-Abbès prenait à revers et assurait la sécurité de la plaine de la Melata, tout en permettant à nos colonnes un prompt ravitaillement, lorsqu’elles devaient opérer à la lisière du Tell et du Serssous. Fondé en 1843 sous le nom de Biscuiville par le général Bedeau ; l’établissement de Bel-Abbès complétait cette série de postes-magasins, qui, de vingt lieues en vingt lieues, de trois marches en trois marches d’infanterie, de deux marches en deux marches de cavalerie, s’élevaient sur deux lignes parallèles des bords de la mer, à l’intérieur, dans toute l’étendue de la province d’Oran. Quand la guerre prit une allure décidée, nous dûmes une grande part de nos succès à deux causes diverses, la création des postes-magasins et celle des bureaux arabes. Les postes-magasins, en effet, multipliaient nos forces en rapprochant nos ressources, et les bureaux arabes en assuraient un emploi efficace. Le bureau arabe, c’est la centralisation dans les mains militaires de tous les intérêts du pays. Le chef du bureau arabe représente les anciens chefs turcs ; son commandement est direct ou à deux degrés, soit que ses ordres se transmettent sans intermédiaire ; soit qu’il se serve des agas ou des khalifats. Selon l’usage du pays, le cadi rend la justice dans les affaires civiles ; mais, dans les affaires où un intérêt politique ou administratif est en jeu, les décisions sont rendues par le chef du marghzen, qui n’est autre que le chef du bureau arabe. On comprend dès-lors combien l’institution des bureaux arabes, c’est-à-dire d’un centre où venaient naturellement aboutir les renseignemens sur les hommes et sur les choses, a dû contribuer à nos succès, à la bonne direction de nos forces.

Bel Abbès, comme poste-magasin, avait paru dans une si heureuse position qu’il était en ce moment question d’y établir le siége de la subdivision d’Oran, et le lendemain de notre arrivée le général de Lamoricière passa toute la journée sur le terrain à étudier les différens plans proposés. Le soir, au retour, il trouva au camp des batteurs d’estrade venus pour l’avertir que les Hamian-Garabas, nos ennemis, s’étaient montrés sur les hauts plateaux, au sud de Tlemcen. Les éclaireurs reçurent l’ordre de repartir aussitôt, de remarquer les emplacemens et de se trouver dans quatre jours à Tlemcen. Le surlendemain, nous prenions la route de cette ville, sous l’escorte de deux beaux escadrons de chasseurs d’Afrique ; car, depuis que les Beni-Hamer avaient été emmenés au Maroc par l’émir, en 1845, l’année de la grande révolte, tout le pays depuis Bel-Abbès jusqu’à l’Isser était vide et livré aux coupeurs de route. Quelques lions, dont nous vîmes plusieurs fois la large trace à forme de grenade majestueusement gravée sur la terre, des hyènes et des sangliers à foison étaient maintenant les seuls habitans de ces fertiles collines. Nous troublâmes leur repos en leur donnant