qui vint nous recevoir à la limite de ses domaines, suivi de deux lévriers, ses seuls sujets. C’est ainsi qu’autrefois les tenanciers d’une terre rendaient hommage aux suzerains du pays. Tous, et M. de Saint-Maur le premier, se mirent à rire de ce rapprochement, de ces souvenirs du passé, que l’imagination évoque toujours. Et pourtant cette marche du général de Lamoricière à travers la province, escorté par les chefs indigènes et ces populations guerrières que la paix contraignait à jouer avec leurs fusils, elle avait eu son pendants plus d’une fois au XVIe siècle, dans ce même pays, et on eut pu en trouver le récit dans l’historien espagnol Marmol, rapportant les fantazias et les brillans simulacres de combats qui eurent lieu en l’année 1520, lors d’une promenade du comte d’Alcaudète, le gouverneur d’Oran, à travers les populations soumises. « Le comte, dit Marmol ; prit la route d’Agkbeil, qui est une ville ruinée, et comme il fut proche, plusieurs Maures des alliés lui vinrent offrir leurs services. Ils venaient par famille ou lignée, comme ils ont coutume, chacun selon son rang. La première étant arrivée, les principaux embrassaient le comte et lui parlaient, puis, faisant faire quelques passades à leurs chevaux donnaient lieu à d’autres de s’avancer et de venir saluer le comte à leur tour. Il y vint plus de cinquante familles ou lignées de la sorte, dont il y en avait de cent chevaux sans compter les gens de pied, et les moindres étaient de cinquante ; tous avec la lance, le bouclier, et leurs chevaux richement enharnachés… Ils donnèrent ensuite devant le comte le simulacre d’un combat… Les Maures représentèrent ce combat avec plus de quinze bandes de cinq cents chameaux chacune, précédées de douze femmes sur douze chameaux, lesquelles, accompagnées toujours des mieux faits de la famille, s’avancèrent vers le comte et lui disaient : — A la bonne heure, soit arrivé le restaurateur de l’état, le protecteur des orphelins, le bon et honorable chevalier dont on parle tant ! – Elles lui disaient plusieurs autres galanteries en arabes qu’un interprète expliquait à mesure, et à chaque fois les hommes jetaient de grands cris d’allégresse. »
Trois cents ans plus tard, chevaux richement enharnachés et chefs aux brillans vêtemens, rien ne manquait au cortége. Les différends qui existaient entre M. de Saint-Maur et quelques-uns de ces chefs pour le partage des eaux devaient être réglés ce jour-là. Tout se passa à l’amiable ; les conventions furent arrêtées sous un figuier, près du beau sujet de la discussion ; les plaideurs étaient assis sur ces immenses, blocs de pierre que les Romains ont jetés dans tout le pays, comme pour témoigner à travers les siècles de leur puissance et de leur grandeur. Le jugement rendu, l’hospitalité de la diffa vint rassasier les voyageurs. Le mouton né dans la plaine et rôti tout entier était si succulent, qu’il donna bon espoir à Mr de Saint-Maur pour la