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s’incliner en embrassant ces confesseurs de l’honneur militaire. Il nous prit le cœur à tous, lorsque nous entendîmes les nobles paroles que son ame de soldat sut trouver en remerciant, au nom de l’armée, ces débris qui semblaient survivre pour témoigner que nos jeunes légions d’Afrique avaient conservé intactes les traditions d’honneur et d’abnégation léguées par les bataillons des grandes guerres. Puis l’on se sépara, et le maréchal se retirant avec le général de Lamoricière tous deux s’occupèrent d’assurer le sort de quelques pauvres colons qui, transportant leur misère de France en Afrique, allaient demander au travail et à une terre nouvelle l’adoucissement d’une vie de fatigue et de privations.

Une partie de la nuit fut employée par les deux généraux à l’expédition des affaires ; car les heures du maréchal étaient comptées, et le lendemain il prenait la mer pour regagner Alger. Le Caméléon croisa le courrier ordinaire à la hauteur d’Arzew, et les deux navires échangèrent la correspondance. Plusieurs députés se trouvaient à bord. Ces messieurs venaient pour étudier, avant la session des chambres, l’Afrique, la province d’Oran surtout et les divers systèmes de colonisation que l’on y essayait. Débarqués à dix heures à Merz-el-Kéhir, les députés déjeunaient à onze au Château-Neuf. Le temps était gris et sombre ; ils avaient eu le mal de mer, tout leur paraissait triste. Dans notre candeur, nous avions mis à leur disposition tous les moyens matériels pour parcourir commodément la province ; mais, quand on leur dit que le soir même ils pouvaient écrire en France par le courrier du commerce, il se trouva que des motifs d’un haut intérêt les rappelaient immédiatement à Paris. Le soir donc, à cinq heures, après avoir passé sept heures dans la province d’Oran, dont deux, en voiture et quatre au Château-Neuf, les députés s’en allèrent à toute vapeur, appuyant leur opinion de cette phrase, qui a toujours tant de crédit : — J’ai vu, j’ai été dans le pays. — C’est ainsi que l’on jugeait l’Afrique.


II

Après le départ du maréchal et des députés, rien ne retenait plus à Oran le général de Lamoricière. Il donna donc l’ordre de se tenir prêt. Nous allions parcourir l’ouest de la province, comme nous avions parcouru quelque temps auparavant les cercles de Mascara et de Mostaganem.

Le lendemain à midi, après avoir eu durant la route pour compagnon de joyeuse humeur un beau soleil qui faisait étinceler l’herbe humide sortie de terre comme par enchantement aux premières pluies, nous arrivions aux ruines romaines d’Agkbeil. Ces ruines, qui s’étendent au sud des collines du Tessalah, appartenaient à M. de Saint-Maur,