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aux produits français et étrangers en général. De même ce serait dans notre propre intérêt, pour augmenter le bien-être des populations et la richesse de la France, que nous nous rallierions à la liberté du commerce. Cependant le préjugé subsiste ; il faut compter avec lui. D’ailleurs il est d’un bon gouvernement d’éviter les changemens brusques et de ménager la transition.

Dans toutes les industries, nous avons des ateliers en plus ou moins grand nombre qui ne craignent pas la comparaison avec ceux de quelque pays que ce soit pour la perfection des produits ; l’économie des matières, la division du travail et l’administration ; mais, dans presque toutes aussi, on compte un certain nombre d’établissemens qui sont restés en arrière. Chez les uns, le mal n’est pas incurable : s’ils eussent senti plus vivement l’aiguillon de la concurrence ; ils se fussent portés en avant ; mais il en est d’autres qui ne peuvent plus vivre qu’artificiellement, qui à la longue succomberaient sous la seule pression de la concurrence intérieure. Il convient de donner à ceux des retardataires qui peuvent rejoindre, le temps qu’il y faut avec des efforts ; à ceux qui sont destinés à liquider, un délai suffisant pour que la liquidation ne soit pas trop onéreuse, et pour que ce qui y est employé, personnel et capital, se tourne vers une des industries dont la liberté du commerce doit favoriser chez nous le développement. Trop de précipitation porterait préjudice aux chefs d’industrie qu’il ne peut s’agir d’excommunier, aux ouvriers qui ne peuvent, du jour au lendemain, se mettre au niveau des habiles de leur métier ou apprendre les tours de main d’une profession nouvelle,et entraînerait la destruction d’un certain capital, substance précieuse, matière première des améliorations. Aux deux catégories d’établissemens arriérés que nous vouons de signaler, il y a donc lieu de continuer ; provisoirement et dans une certaine mesure ; le subside qu’ils reçoivent du public en qualité de protégés. Nous devons considérer ce subside comme le pendant de la taxe des pauvres des Anglais qu’aucun homme de sens ne songe à abolir ; mais désormais la protection n’a plus de justification qu’à ce titre. La société française exerce l’assistance envers les industries protégées comme envers des nécessiteux. De sa part, l’assistance est un devoir général ; mais, chez les individus assistés, quels qu’ils soient et quelque soit le mode de l’assistance, qu’elle vienne du bureau de bienfaisance ou qu’elle résulte de la douane, le fait corrélatif à ce devoir n’est pas un droit à exiger un subside, c’est le devoir de faire tout ce qui est en leur pouvoir, moralement et matériellement, pour se placer au- dessus du besoin et cesser d’être à charge à la société. Que si les industries protégées trouvent désobligeant d’être assimilés aux familles qui reçoivent les dons de la charité publique, je répondrai qu’il est tout aussi désobligeant pour le public d’avoir à leur compter les sommes qu’il leur paie. Il n’y a pas de milieu, sous