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lui-même l’a démentie. Sir Richard Phillips, éditeur du Monthly Magazine, a raconté dans ce recueil que le noble lord. en la démentant devant lui, avait ajouté qu’il connaissait Junius, et qu’il le ferait connaître avant sa mort (1804) ; mais il est mort sans avoir parlé, et son respectable fils, le marquis de Lansdowne, aujourd’hui président du conseil, a déclaré, dans une lettre du 25 mars 1850, à M. Wade, qui l’a publiée, qu’il n’avait, quant à lui. jamais reçu la confidence d’un secret dont il doutait que son père eût jamais été instruit.

On a également prétendu que le dernier lord Grenville était un des dépositaires du secret, et on lit dans un magazine de 1827 que dans la bibliothèque de Stowe, résidence du duc de Buckingham, qui était Grenville, ce seigneur avait, en compagnie de lord Nugent, trouvé une liasse de papiers contenant un écrit original de la main de Junius et des billets signés de son nom ou de ses initiales adressés à George Grenville ; mais le duc et lord Nugent ne sont plus, et ils n’ont point confirmé ce récit. Le Morning Chronicle du 7 mars 1836 a bien annoncé l’existence, dans la même bibliothèque, d’une cassette scellée de trois cachets, renfermant, parmi les papiers des Grenville, les manuscrits de Junius ; mais, ou les trois sceaux n’ont point été brisés, ou c’est dans cette cassette qu’on a trouvé trois nouvelles lettres de Junius adressées apparemment à George Grenville, et analogues à celles qui ont été publiées dans la correspondance de lord Chatham ; elles ne jettent d’ailleurs aucun jour sur la question, et je tiens du savant M. Panizzi que les descendans des Grenville ignorent encore aujourd’hui le vrai nom de Junius.

Le terrain ainsi déblayé, nous nous trouvons en présence de deux personnages dont nous n’avons pas encore parlé, et qui nous occuperont seuls désormais.


VIII.

Reportons-nous au moment où Junius abandonna la scène politique, 21 janvier 1772. Neuf lettres parurent encore du 28 janvier au 12 mai, qu’il signa de quelque autre nom, et dont l’authenticité est prouvée par quatre billets à Woodfall publiés sous les numéros 52, 56, 61 et 62. Dans ces billets, l’écrivain recommande l’insertion des lettres qu’ils accompagnent ; il témoigne dans les termes les plus vifs son indignation contre lord Barrington, auquel il croit le cœur le plus noir de tout le royaume ; dans un article signé Némésis, le dernier, selon Woodfall, qu’il ait fait imprimer dans son journal, il trace une biographie outrageante du secrétaire de la guerre, et en même temps il recommande avec insistance à son correspondant le plus rigoureux secret, l’insignifiante créature qu’il dénonce n’étant pas digne de la généreuse rage de Junius.