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quelque chance d’être écoutée. M. Broderio s’en est ces jours-ci donné de tout son cœur. Il a interpellé successivement d’abord chaque ministre en particulier sur tel ou tel point compris dans ses attributions spéciales, puis le cabinet en masse sur l’ensemble de la politique intérieure et extérieure. Par ce détour, M. Brotlerio a ressuscité les inconvéniens d’une discussion de l’adresse que la sagesse précoce des législateurs piémontais avait cru abolir. Il a donc causé finances, travaux publics, guerre, universilé, diplomatie, le tout du même aplomb. M. Farini, M. de Cavour et le général délia Marmora ont à grand’peine arrêté le débordement de cette faconde encyclopédique, comme l’a plaisamment nommée le ministre du commerce. Ils ont montré le vide caché sous cette ébullition de phrases ; l’orateur de l’opposition avait parlé de trop de choses pour en bien parler. C’est ce qu’ont prouvé les fermes répliques de M. de Cavour et du ministre de la guerre.

Quant à M. Farini, le nouveau ministre de l’instruction publique, accusé par M. Broderio de sacrifier les droits et les intérêts de l’université aux exigences du clergé en même temps qu’il est dénoncé ailleurs comme un corrupteur de la religion et de la jeunesse, il a répondu aussi d’une manière très précise. Le tact qu’il a déployé dans une situation assez délicate lui a même concilié beaucoup d’esprits que son entrée aux affaires avait plutôt indisposés. M. Farini est un homme des plus distingués et des plus considérés en Italie. En 1848, il faisait partie, comme sous-secrétaire d’état, de l’administration du comte Rossi à Rome ; il est l’ami de MM. Minghetti, Pantaleoni et des autres constitutionnels que la république romaine proscrivit avec lui. Le livre qu’il vient de publier, lo Stato Romano dal 1815 al 1830, a eu un grand retentissement, et les honneurs d’une traduction anglaise de la main de M. Gladstone. En donnant à M Farini dans le cabinet la place de M. Gioia, M. d’Azeglio était donc fondé à croire que les opinions bien connues du collègue qu’il s’adjoignait ne pourraient déplaire au parti à la fois libéral et modéré qui forme la majorité de la chambre des députés. L’objection sérieuse qu’il y avait contre M. Farini était tout autre. Il était à craindre qu’après la publication de son dernier ouvrage, on ne le rangeât au nombre des ennemis du pape, et que sa présence dans le cabinet ne devint ainsi un obstacle aux négociations avec Rome ; mais si maintenant l’opposition l’accuse de livrer l’instruction aux prêtres, n’est-ce pas à dire que ces imputations contradictoires sont de part et d’autre également fausses et exagérées ? M. Farini a été poursuivi et il a couru des dangers personnels à Rome, en 1849, à cause de l’attachement qu’il gardait au pape, et aujourd’hui parce que, dans un livre très bien fait d’ailleurs et très circonspect, il signale les abus du gouvernement romain, ainsi que les remèdes qu’il faudrait y apporter, on le transforme aussitôt en révolutionnaire. Aujourd’hui vraiment, M. Rossi lui-même encourrait le même reproche, et nous aurions presque envie de croire qu’il est mort à temps. Ce fanatisme intolérant fait mieux qu’on ne pense les affaires de M. Mazzini et des vrais ennemis du gouvernement pontifical, qu’il isole peu à peu en éloignant de lui ceux qui seraient ses partisans ou ses auxiliaires les plus raisonnables.

Pour en revenir à M. Farini, la véritable cause des difficultés qu’il rencontrera en Piémont, c’est qu’il est Romagnol. Voilà pourtant où l’on en est en Italie en 1851 ! Après les rêveries inapplicables de l’unité, après les plans beau-