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tionnaires, on a été au-devant de presque toutes les exigences, et la commission, tantôt par l’organe de son rapporteur, tantôt par celui de quelqu’un de ses membres, a si bien sacrifié la plupart de ses principes d’il y a quinze jours, qu’on ne reconnaît plus du tout ses intentions primitives. La composition même de cette commission, qui, lorsqu’elle a été nommée, n’avait été destinée par personne à une tâche si ardue, donne le secret de ses incertitudes et de son impuissance. Les membres de l’extrême droite et de l’extrême gauche, M. Laboulie, M. Michel (de Bourges), ou M. Emmanuel Arago, délégués là pour étudier l’organisation communale, ne pouvaient traiter avec beaucoup de ménagement la loi d’élections politiques qu’un bizarre enchaînement de circonstances leur livrait par accident. Il avait d’abord été dit que la loi des élections municipales serait, à l’aide d’un simple amendement, toute la loi des élections politiques ; il sera fait maintenant deux autres lois distinctes, une pour les élections du département, une pour les élections générales. C’est du moins la dernière nouvelle ; mais que de contradictions et de vicissitudes pitoyables à chacune des séances où l’on a débattu tout le système : — la durée du domicile d’origine réduite à six mois au lieu d’un an, la preuve bornée non plus à l’inscription sur la liste du recrutement, mais à la production de l’acte de naissance, puis la facilité d’avoir à discrétion un domicile d’origine étendue sans plus de limites que n’en comportait le suffrage illimité du gouvernement provisoire, puis enfin le domicile d’adoption déclaré lui-même acquis après deux ans, malgré les efforts de M. de Kerdrel et de M. Faucher ! Comment s’étonner qu’après avoir ainsi battu constamment en retraite, on n’ait empêché hier que d’une voix le vote du domicile d’un an comme garantie suffisante pour l’exercice du droit électoral ? Ajoutez au tableau de cette retraite en désordre les clameurs de la montagne, qui n’a pris part à la discussion que pour l’interrompre par des scandales. Elle s’abstenait de voter, parce que rien ne la contentait encore dans ce gâchis dont l’assemblée lui faisait pourtant hommage sous les auspices du pouvoir exécutif : elle a renoncé à l’abstention aussitôt qu’elle a vu chance de combiner un jeu de scrutin qui coupât l’assemblée en deux. Voilà l’histoire de ce grand abaissement dont l’assemblée s’est frappée elle-même ; il n’en est pas qui nous ait été plus pénible à raconter.

L’abaissement de l’assemblée, est-ce bien après tout un avantage concluant pour le pouvoir exécutif, est-ce une victoire sans compensation et sans lendemain ? On le supposerait peut-être, à voir l’enivrement des subalternes, à lire ces articles de journaux pleins de mépris et de menaces pour le gouvernement parlementaire, lequel, soit dit en passant, ferait mieux de les ignorer tout-à-fait que de s’en occuper à demi. Que dirons-nous aussi du discours tenu par M. le président de la république en personne aux fabricans qu’il allait récompenser des succès obtenus à Londres par l’industrie française ? Si ce discours a, comme on l’affirme, réussi merveilleusement auprès de ceux auxquels on l’adressait, ce n’est pas seulement un signe de l’homme, c’est un signe du temps ; c’est la meilleure démonstration du vague qui s’est produit de plus en plus dans les idées, et de l’étrange penchant que nous avons aujourd’hui à prendre les paroles vides pour de grandes paroles.

Ce qu’il y avait cependant de très réel dans ces paroles, qui pourraient être trop fécondes en commentaires, c’était le sentiment d’une force que l’orateur sem-