Combien de délim[1] et de leurs compagnes ont été nos victimes, — bien que leur course ne le cède point au vol des autres oiseaux!
Nous revenons à nos familles, à l’heure où s’arrête le convoi — sur un campement nouveau pur de toute souillure.
La terre exhale le musc[2]; — mais, plus pure que lui, — elle a été blanchie par les pluies — du soir et du matin.
Nous dressons nos tentes par groupes arrondis; — la terre en est couverte comme le firmament d’étoiles.
Les anciens ont dit (ils ne sont plus, mais nos pères l’ont répété, — et nous le disons comme eux, car le vrai est toujours vrai) :
Deux choses sont surtout belles en ce monde, — les beaux vers et les belles tentes.
Le soir, nos chameaux se rapprochent de nous; — la nuit, la voix du mâle est comme un tonnerre lointain.
Vaisseaux légers de la terre, — plus sûrs que les vaisseaux, — car le navire est inconstant.
Nos maharis[3] le disputent en vitesse au maha[4]. — Et nos chevaux, est-il une gloire pareille?
Toujours sellés pour le combat; — à qui réclame notre secours, — ils sont la promesse de la victoire.
Nos ennemis n’ont point d’asile contre nos coups, — car nos coursiers, célébrés par le prophète[5], fondent sur eux comme le vautour.
Nos coursiers, ils sont abreuvés du lait le plus pur; — c’est du lait de chamelle plus précieux que celui de la vache.
Le premier de nos soins, c’est de partager nos prises sur l’ennemi. — L’équité préside au partage; chacun a le prix de sa valeur.
Nous avons vendu notre droit de cité; nous n’avons point à regretter notre marché. — Nous avons gagné l’honneur; le hader ne le connaît point.
Rois nous sommes; nul ne peut nous être comparé. — Est-ce vivre que de subir l’humiliation?
Nous ne soutirons point l’affront de l’injuste; nous le laissons, lui et sa terre. — Le véritable honneur est dans la vie nomade.
Si le contact du voisin nous gêne, — nous nous éloignons de lui; ni lui, ni nous, n’avons à nous plaindre.
Que pourrais-tu reprocher au bedoui ? — Rien que son amour pour la gloire, et sa libéralité, qui ne connaît pas de mesure.
Sous la tente, le feu de l’hospitalité luit pour le voyageur. — Il y trouve, quel qu’il soit, contre la faim et le froid, un remède assuré.
Les temps ont dit : La salubrité du Sahara. — Toute maladie, toute infirmité n’habite que sous le toit des villes.
Au Sahara, celui que le fer n’a pas moissonné voit des jours sans limite. — Nos vieillards sont les aînés de tous les hommes.