rallier, volent de la droite à la gauche, et cherchent à ressaisir la victoire. Quelques guerriers veulent encore tenir; mais la déroute générale les entraîne : ils sont bientôt auprès de leurs femmes. Alors chacun, voyant que tout est perdu, s’occupe de sauver ce qu’il a de plus cher; on gagne le plus de terrain possible en arrière, et de temps à autre on se retourne pour faire face à l’ennemi, s’il poursuit.
Le vainqueur, si dans l’enivrement du triomphe il ne faisait un pont d’or au vaincu, pourrait le ruiner complètement; mais la soif du pillage l’égare, il se débande : l’un dépouille un fantassin, l’autre un cavalier renversé; celui-ci emmène un cheval, celui-là un nègre. Grâce à ce désordre, les plus braves de la tribu parviennent à sauver leurs femmes, quelquefois leurs tentes.
Dans ce genre de guerre, on a le plus grand respect pour les femmes captives. Les hommes de basse naissance les dépouillent de leurs bijoux; mais les chefs tiennent à honneur de les renvoyer à leurs maris avec leurs chameaux, leurs joyaux, leurs parures; ils s’empressent même de faire habiller, pour les restituer, celles qui ont été dépouillées.
Au désert, on ne fait pas de prisonniers, on ne coupe point les têtes, et on a horreur de mutiler les blessés; après le combat, on laisse ceux-ci s’en tirer comme ils peuvent, on ne s’occupe pas d’eux. Il y quelques rares exemples de cruauté : ce sont les vengeances d’hommes qui ont reconnu dans le goum ennemi les meurtriers de personnes qui leur étaient chères, d’un frère, d’un ami.
A sa rentrée sur son territoire, la tribu est accueillie par une fête solennelle; l’allégresse générale se trahit par les démonstrations les plus vives; les femmes font aligner leurs chameaux sur un seul rang et poussent des cris de joie à des intervalles réguliers; les jeunes gens exécutent devant elles une fantasia effrénée. On se salue, on s’embrasse, on s’interroge, on prépare les alimens et pour les siens et pour les alliés ; les chefs réunissent la somme à distribuer à ceux-ci. Un simple cavalier ne reçoit jamais moins de dix douros ou un objet de cette valeur : cette rétribution s’appelle zebeun; elle est obligatoire et donnée en sus du butin que chacun a pu faire; on y ajoute même pour le cavalier qui a perdu un cheval trois chameaux ou cent douros. On donne plus de dix douros aux chefs alliés dont l’influence a été décisive. Outre leur part, ces chefs reçoivent secrètement de l’argent ou des cadeaux d’une certaine valeur, tapis, tentes, armes, chevaux. Le lendemain du combat, lorsque les alliés se mettent en marche pour rentrer sur leurs territoires, les chefs montent à cheval et les accompagnent. Après avoir cheminé de concert deux ou trois heures, les cavaliers se renouvellent le serment de ne pousser jamais qu’un seul cri, de ne faire qu’un seul et même fusil, de venir le matin, s’ils sont demandés le matin, et de venir la nuit, s’ils sont demandés la nuit.