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aujourd’hui? demain s’appellera votre jour; » les autres: « Chiens, fils de chiens, à demain; si vous êtes des hommes, vous nous rencontrerez. » Les éclaireurs se retirent, les chefs de chaque parti organisent au plus vite une garde de cent hommes à cheval et de cent hommes à pied pour la sûreté du camp. Le lendemain, on s’observe avec attention : si l’un des deux partis charge ses tentes, l’autre en fait autant; mais si, laissant ses tentes dressées, le premier s’avance au combat avec sa cavalerie, son infanterie et ses femmes montées sur des chameaux, le second suit son exemple.

Les cavaliers des deux tribus se font face; les femmes sont en arrière, prêtes à exciter les combattans par leurs cris et leurs applaudissemens; elles sont protégées par les fantassins, qui en même temps forment la réserve. Le combat est engagé par de petites bandes de dix à quinze cavaliers, qui se portent sur les flancs et cherchent à tourner l’ennemi. Les chefs, à la tête d’une masse assez compacte, se tiennent au centre. Bientôt la scène s’anime et s’échauffe; les jeunes cavaliers, les plus braves et les mieux montés, s’élancent en avant, emportés par l’ardeur et la soif du sang. Ils se découvrent toute la tête; entonnent des chants de guerre, et s’excitent au combat par ces cris : « Où sont-ils ceux qui ont des maîtresses? C’est sous leurs yeux que les guerriers combattent aujourd’hui! — Où sont-ils ceux qui, près des chefs, parlaient toujours de leur vaillance? C’est aujourd’hui que la langue doit être longue, et non dans les causeries. Où sont-ils ceux qui courent après la réputation? — En avant les enfans de la poudre! Voyez devant vous ces fils des Juifs! Notre sabre doit s’abreuver de leur sang; leurs biens, nous les donnerons à nos femmes. »

Ces cris enflamment les cavaliers, ils font cabrer leurs chevaux et sauter leurs fusils: tous les visages demandent du sang; on se mêle, et l’on finit par s’attaquer à coups de sabre.

Cependant l’un des deux partis recule et commence à se replier sur les chameaux qui portent les femmes; alors on entend de part et d’autres les femmes pousser, les unes des cris de joie pour animer encore les vainqueurs, les autres des cris de colère et de sanglantes imprécations pour affermir le courage ébranlé de leurs maris ou de leurs frères. À ces injures, l’ardeur se réveille chez les vaincus, ils tentent un effort vigoureux; appuyés par le feu des fantassins qui sont en réserve, ils regagnent du terrain, et rejettent l’ennemi jusqu’au milieu de ses femmes, qui, à leur tour, maudissent ceux qu’elles applaudissaient tout à l’heure. Le combat se rétablit sur l’emplacement qui sépare les femmes des deux tribus. Enfin le parti qui a eu le plus de chevaux et d’hommes blessés, qui a perdu le plus de monde et surtout qui a vu tomber ses chefs les plus vaillans, prend la fuite malgré les exhortations et les prières des hommes énergiques qui, voulant le