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tout ce qu’il avait de mauvais dans le corps, recouvre une santé de fer, et (ceci est du merveilleux) acquiert une vue excellente. »

La graisse d’autruche se vend dans les marchés, et on en fait aussi provision dans les tentes de distinction pour donner aux pauvres comme remède. Du reste, elle n’est pas très chère, car on échange un pot de graisse d’autruche contre trois pots de beurre seulement.

Les plumes se vendent dans les ksours, à Tougourt[1], à Leghrouat et chez les Beni-Mzab[2], qui, au moment de l’achat des grains, font parvenir les dépouilles d’autruche jusque sur le littoral. Chez les Ouled-Sidi-Chikh, la dépouille du mâle se vend de 4 à 5 douros, et celle de la femelle de 10 à 15 francs. Dans le Sahara, avant nous, on ne faisait usage des belles plumes de l’autruche que pour orner le sommet des tentes ou le dessus des chapeaux de paille.

La chasse de l’autruche a pour l’Arabe le double attrait du profit et du plaisir. C’est un exercice très goûté des cavaliers du Sahara; mais c’est aussi une entreprise fructueuse : le prix des dépouilles et de la graisse compense de beaucoup les frais. Malgré l’attirail nombreux indispensable pour entreprendre la chasse de l’autruche, le riche n’est pas seul à se la pouvoir permettre. Le pauvre qui se sent capable de se bien tirer d’affaire trouve moyen de se joindre à des chasseurs qui poursuivent l’autruche : il va trouver un Arabe opulent; celui-ci prête le chameau, le cheval, son harnachement, les deux tiers de l’orge nécessaire à l’expédition, les deux tiers des peaux de boucs, les deux tiers des provisions de bouche. L’emprunteur fournit l’autre tiers des objets nécessaires, puis le produit de la chasse est partagé dans les mêmes proportions.

La guerre ne tient pas moins de place que les razzias et la chasse dans la vie du cavalier arabe.

Une caravane a été pillée, les femmes de la tribu ont été insultées, on lui conteste l’eau et les pâturages : voilà de ces griefs que la razzia, fût-ce la terrible tehha, ne suffirait pas à venger. Aussi les chefs se sont réunis et ont décrété la guerre. Ils ont écrit à tous les chefs des tribus alliées et leur ont demandé leur aide. Les alliés sont fidèles et sûrs, ne sont-ils pas aussi les ennemis de la tribu à punir? n’ont-ils pas les mêmes sympathies, les mêmes intérêts que ceux qui les appellent? ne font-ils pas partie du sof, du rang, de la confédération?

  1. Ville du Sahara, capitale d’un petit état formé par les trente-cinq villages de l’oasis qu’on nomme l’Oued-Nir, à soixante-seize lieues de Biskra.
  2. Leghrouat est une ville de sept à huit cents maisons à soixante-dix-neuf lieues sud-ouest de Biskra. Les Beni-Mzab sont une immense confédération saharienne qui forme, au milieu des populations du désert, une nation à part; ils comptent sept villes, importantes, dont la principale est Gardaïa.