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par une espèce de frontal également en corde; les rênes doivent être très légères, mais fortes. Les chevaux sont ferrés des quatre pieds.

L’époque la plus favorable pour cette chasse est celle des grandes chaleurs de l’été; plus la température est élevée, moins l’autruche a de vigueur pour se défendre. Les Arabes précisent ce moment en disant que c’est celui où, l’homme étant debout, son ombre n’a pas plus de la longueur d’une semelle.

C’est une véritable excursion qui dure sept à huit jours; elle exige des mesures préparatoires, lesquelles sont concertées par une dizaine de cavaliers réunis en akued comme pour une razzia. Chaque cavalier est accompagné d’un de ses domestiques, prenant alors le nom de zemmal, et monté sur un chameau qui porte quatre peaux de bouc remplies d’eau, de l’orge pour le cheval, de la farine de blé (deguig), une autre espèce de farine grillée (rouina), des dattes, une marmite (mordjem) pour faire cuire les alimens, des lanières, une aiguille à passer, des fers et des clous de rechange. Le cavalier ne doit avoir qu’une chemise de laine ou de coton, une culotte en laine ; il s’entoure le cou et les oreilles d’une pièce d’étoffe légère appelée dans le désert haouli, maintenue par la corde de chameau; il porte aux pieds des semelles retenues par des cordons; il chausse des guêtres légères (trabag), et ne se charge ni de fusil, ni de pistolet, ni de poudre; sa seule arme est un bâton d’olivier sauvage ou de tamarin long de quatre ou cinq pieds et se terminant par un bout très pesant. On ne se met en chasse qu’après avoir appris par des voyageurs, des caravanes ou des agens envoyés à cet effet, la présence d’un grand nombre d’autruches sur un point désigné.

On rencontre ordinairement les autruches dans les endroits où il y a beaucoup d’herbe et où la pluie est tombée depuis peu. D’après les Arabes, aussitôt que l’autruche voit les éclairs briller et l’orage se préparer en un lieu quelconque, elle y court, fût-elle à une très grande distance; dix jours de marche ne sont rien pour elle. Dans le désert, on dit d’un homme habile à soigner les troupeaux et à leur trouver les choses nécessaires : « Il est comme l’autruche; où il voit briller l’éclair, il arrive. »

On se met en route le matin. Après un ou deux jours de marche., quand on est arrivé près de l’endroit où les autruches ont été signalées, et qu’on commence à apercevoir leurs traces, on s’arrête et on campe. Le lendemain, deux domestiques intelligens, entièrement nus, et n’ayant qu’un mouchoir en guise de caleçon, sont envoyés en reconnaissante. Ils emportent une peau de bouc (chibouta) pendue au côté et un peu de pain; ils marchent jusqu’à ce qu’ils rencontrent les autruches, qui se placent toujours, disent les Arabes, sur des lieux