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abandonnés. Dans le désert, on ne se charge jamais de prisonniers. Au retour, on met les troupeaux sous la garde de quelques cavaliers, et l’on forme une forte réserve chargée de parer à toutes les éventualités de la retraite. Rentrés dans le douar, les combattans partagent entre eux les troupeaux et tout le butin fait sans risque de la vie: ils donnent en sus au cheikh trente ou quarante brebis, trois ou quatre chamelles, suivant le cas, et ils gratifient d’une récompense spéciale les cavaliers qui ont été lancés en éclaireurs.

Avant de tenter une entreprise de ce genre, chaque tribu se place sous la protection d’un marabout particulier, à qui elle s’adresse dans les circonstances difficiles. Pour le Saharien, le pillage d’un ennemi est une circonstance qui, malgré ce qu’elle a d’habituel, ne manque pas de solennité. C’est ainsi que la tribu des Arbâa a pour marabout attitré Sidi-Hamed-ben-Salem-Ould-Tedjiny. Le succès d’une razzia est l’occasion de grandes réjouissances; dans chaque tente, on prépare une ouadâa (fête) en l’honneur des marabouts, et on y invite les pauvres, les tolbas (lettrés), les veuves, les maréchaux-ferrans et les nègres libres.

La tehha se fait habituellement avec cinq ou six cents cavaliers, auxquels se joignent souvent des fantassins transportés à dos de chameau.

Si le cheval arabe est précieux pour les rapides et lointaines excursions qu’exige une razzia, il ne l’est pas moins pour les divertissemens de la grande chasse, telle que l’aiment et la pratiquent les tribus du désert. La chasse à l’autruche est le plus brillant peut-être de ces aristocratiques exercices si chers aux Arabes. Pour cette chasse, on impose au cheval une préparation spéciale. Sept ou huit jours avant la course, on lui supprime tout-à-fait la paille ou l’herbe, on lui donne l’orge seulement, on ne le fait boire qu’une fois par jour, au coucher du soleil, moment où l’eau commence à devenir plus fraîche, et on le lave. On lui fait faire une longue promenade quotidienne entremêlée de pas et de galop, pendant laquelle on s’assure que rien ne manque au harnachement approprié à la chasse de l’autruche. Après ces sept ou huit jours, dit l’Arabe, le ventre du cheval disparaît, tandis que son encolure, son poitrail et sa croupe restent en chair; alors l’animal est apte à supporter la fatigue. On appelle cette préparation du cheval techaha. On modifie également le harnais en vue de l’alléger. Les étriers doivent être beaucoup moins lourds que d’habitude, l’arçon très léger, les deux keurbous diminués de hauteur et dépouillés du stara. On retire le poitrail; sur sept feutres, on n’en conserve que deux. La bride subit aussi de nombreuses métamorphoses, on supprime comme trop lourds les montans et les œillères, on monte simplement le mors sur une corde de chameau suffisamment solide, sans sous-gorge, maintenue