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Un homme marchait monté sur un cheval de race. Il est rencontré par son ennemi, également monté sur un noble coursier. L’un poursuit l’autre, et celui qui donne la chasse est distancé par celui qui fuit. Désespérant de l’atteindre, il lui crie alors : « Je te le demande au nom de Dieu, ton cheval a-t-il jamais labouré? — Il a labouré pendant quatre jours. — Eh bien! le mien n’a jamais labouré. Par la tête du prophète, je suis sûr de l’atteindre. »

Il continue à lui donner la chasse. Sur la fin du jour, le fuyard commence à perdre du terrain, et le poursuivant à en gagner; il parvient bientôt à combattre celui qu’il avait d’abord désespéré de rejoindre.

Mon père, — Dieu l’ait en miséricorde, — avait coutume de dire : « point de bénédiction pour notre terre depuis que nous avons fait de nos coursiers des bêtes de somme et de labour. Dieu n’a-t-il point fait le cheval pour la course, le bœuf pour le labour, et le chameau pour le transport des fardeaux ? Il n’y a rien à gagner à changer les voies de Dieu. »

Vous me demandez encore nos préceptes pour la manière d’entretenir et de nourrir nos chevaux. — Sachez que le maître d’un cheval lui donne d’abord peu d’orge, augmentant successivement sa ration par petites quantités, puis la diminuant un peu dès qu’il en laisse et la maintenant à cette mesure. Le meilleur moment pour donner l’orge est le soir. Excepté en route, il n’y a aucun profit à en donner le matin. On a dit à cet égard : « L’orge du matin se retrouve dans le fumier, l’orge du soir dans la croupe. » La meilleure manière de donner l’orge est de la donner au cheval sellé et sanglé, comme la meilleure manière d’abreuver est de faire boire le cheval avec sa bride. On dit à cet égard : « L’eau avec la bride, et l’orge avec la selle. »

Les Arabes préfèrent surtout le cheval qui mange peu, pourvu qu’il n’en soit pas affaibli. C’est, disent-ils, un trésor sans prix.

Faire boire au lever du soleil fait maigrir le cheval; faire boire le soir le fait engraisser; faire boire au milieu du jour le maintient en son état. Pendant les grandes chaleurs qui durent quarante jours, les Arabes ne font boire leurs chevaux que tous les deux jours. On prétend que cet usage est du meilleur effet.

Dans l’été, dans l’automne et dans l’hiver, ils donnent une brassée de paille à leurs chevaux; mais le fond de la nourriture est l’orge de préférence à toute autre substance. Les Arabes disent à ce propos : « Si nous n’avions pas vu que les chevaux proviennent des chevaux, nous aurions dit : C’est l’orge qui les enfante. »

Ils disent : « Cherche-le large et achète; l’orge le fera courir, »

Ils disent : « De la viande défendue, choisis la plus légère,» c’est-à-dire choisis un cheval léger : la viande du cheval est interdite aux musulmans.

Ils disent : « On ne devient cavalier qu’après s’être brisé souvent. « 

Ils disent : « Les chevaux de race n’ont point de malice. »

Ils disent : « Cheval à l’attache, honneur du maître. »

Ils disent : « Les chevaux sont des oiseaux qui n’ont point d’ailes. »

Ils disent : « Rien n’est loin pour les chevaux. »

Ils disent : « Celui qui oublie la beauté des chevaux pour celle des femmes ne sera point prospère. »

Ils disent : « Les chevaux connaissent leur cavalier. »