instans, Annette sentit tout son sang refluer vers son cœur. Elle se tourna vivement du côté de Marzou ; il était à son banc, si triste et si pâle, qu’elle ferma les yeux, et appuya son front sur le livre qu’elle tenait, afin de cacher ses larmes. La messe s’acheva sans qu’elle eût pu retrouver la force de maîtriser son émotion. Elle resta à la même place, plongée dans une amertume qui avait l’apparence du recueillement, tandis que l’église se vidait peu à peu, et que des groupes de causeurs se formaient dans le cimetière et sur le port.
Un certain nombre de bateaux venaient de rentrer pour se mettre à l’abri du vent furieux qui commençait à labourer la mer. Après avoir examiné l’horizon et fait leurs remarques sur le gros temps qui se préparait, les pêcheurs et les paysans réunis à l’entrée de la jetée recommencèrent à parler de l’événement de la veille, sur lequel ne manquaient ni les versions différentes ni les malicieux commentaires. Lubert, qui venait de débarquer, les entendit d’abord sans se rendre compte de leurs propos ; mais lorsque le gros Pierre, qui survint, eut expliqué comment il avait sauvé Niette et le traîneur de grèves, il courut à Goron, qui s’occupait de mettre les deux embarcations en sûreté, et lui raconta à sa manière ce qu’il venait d’apprendre. Le marin devina plutôt qu’il ne comprit ; il laissa là sa besogne, rejoignit vivement le groupe et s’informa au juste de ce qui s’était passé. Quelques mots suffirent pour le mettre au courant. Son premier cri fut de demander où était Marzou.
— Sauvé ! te dit-on ! répéta ironiquement gros Pierre. As-tu déjà peur que ta fille soit veuve ?
— Ainsi il est au bourg ? reprit Goron.
— Tout à l’heure je l’ai vu à l’office.
Le patron enfonça son chapeau de toile goudronnée et boutonna sa veste.
— Grand Luc, s’écria-t-il en se tournant vers son matelot, il nous faut le traîneur de grèves mort ou vivant.
— Je cours vous le prendre, répondit Lubert, qui fit un pas vers la maison de Louis. En ce moment, ce dernier sortait avec Iaumic, portant un léger paquet au bout d’un bâton appuyé sur son épaule. Le patron courut à sa rencontre, le saisit par la main, et le traîna vers le groupe de paysans.
— Que voulez-vous, père Goron ? demanda le jeune homme d’une voix troublée.
— Que tu dises ici devant tout le monde pourquoi la Niette était hier avec toi à la grande grotte, dit le marin, dont le regard, rivé sur Louis, avait une expression de haine mal contenue ; mais on te demande la vérité, entends-tu bien, rien que ; la vérité, car, bon sens de Dieu ! si tu ne la dis pas, ce sera ton dernier mensonge !