De toutes les circonstances où le ministère parut menacer les principes constitutionnels, la longue affaire de Wilkes est celle où il se compromit et s’égara le plus. Nous avons laissé le démagogue condamné à l’amende et à la prison, mais élu membre du parlement pour Middlesex. Dans une première et courte session (mai 1768), la chambre des communes avait ajourné toute discussion à son sujet. Lorsqu’elle se réunit le 8 novembre, des motions successives la forcèrent à s’occuper de lui. Presque toutes les questions furent gagnées par ses adversaires, et enfin, le 2 février 1769, on décida que son expulsion pour libelle séditieux et licencieux le rendait indigne de siéger en parlement ; son élection fut annulée par une majorité de 228 voix contre 102. Le mois suivant, il fut réélu, et pour la troisième fois expulsé. Comme la résistance des électeurs du comté était invincible, on imagina de lui susciter un concurrent. Un Irlandais peu estimé, le colonel Luttrell, donna sa démission de membre des communes, et vint se présenter à Brentford, où se faisait l’élection de Middlesex. Il obtint 290 suffrages, tandis que Wilkes en réunit 1143, et la chambre eut le courage d’annuler l’élection du second et d’admettre le premier comme membre dûment élu par le comté (8 mai 1769). Cette énormité ne passa qu’à la majorité de 197 contre 143 votans ; mais elle dénotait à quel point il y avait dans la chambre et le cabinet parti pris d’arbitraire. Elle trouva cependant des orateurs d’un grand poids pour la défendre ; on comprend que Junius ne fut pas des derniers à l’attaquer. Les nombreux incidens de la longue campagne parlementaire dirigée contre Wilkes, les mesures de répression prises contre ses adhérens, les procès intentés, les causes gagnées ou perdues, les absolutions, les condamnations, les grâces, tout devint matière d’examen et d’accusation. Dans une suite de lettres consacrées à cette discussion inépuisable, rude justice est faite des sophismes que le pouvoir mettait au service d’une détestable cause. Les légistes qui s’étaient chargés de les inventer, et parmi eux on regrette de rencontrer Blackstone, l’auteur du célèbre commentaire sur les Loïs anglaises, passèrent tour à tour par les étreintes mortelles d’une puissante dialectique, et l’acte insolent d’une assemblée représentative qui élit elle-même un de ses membres et le demande à la minorité des électeurs devint le grief fondamental de l’opposition et le fait dominant de la situation intérieure. La chambre des lords elle-même fut plus d’une fois appelée à juger ce triste précédent, et refusa de le blâmer, mais sans pouvoir éviter de l’entendre librement discuter. Pendant treize ans, les motions se succédèrent de session en session pour obtenir de la chambre des communes la rétractation ou tout au moins la condamnation indirecte d’une décision monstrueuse. Cet effort persévérant ne devait triompher qu’en 1782. Que fallait-il donc faire, alors que la cause de la vérité constitutionnelle avait tous
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