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leur (libeller) de son roi ; mais il s’agissait d’une question constitutionnelle, non de la valeur d’un homme, et le parlement devait compte de son privilège au pays et aux parlemens à venir. On devine tout ce que le grand orateur put dire de fort et d’évident sur cette question, qui n’en fut pas moins décidée contre lui par une majorité de 258 sur 391 votans. Après quelques débats dans les deux chambres sur des incidens de l’affaire, l’ordre du parlement fut exécuté, et le 3 décembre le North Briton dut être brûlé dans Cheapside. Ce fut le signal d’une terrible émeute. Le peuple s’empara d’une pièce de bois enflammé et menaça le shériff Harley, qui fut obligé de faire retraite dans Mansion-House, où le lord-maire siégeait tranquillement au milieu du conseil commun, composé presque entier de partisans et d’admirateurs de Wilkes. Du haut des fenêtres, de séditieuses clameurs encourageaient la multitude irritée, qui finit par emporter en triomphe les débris du journal condamné aux flammes, et célébra sa victoire par un feu de joie près de Temple-Bar, Puis la tranquillité se rétablit soudainement dans la Cité. En vain les deux chambres blâmèrent-elles la conduite des magistrats municipaux et témoignèrent-elles leur indignation et leur loyauté par des adresses au roi. Le mouvement de l’opinion semblait tout puissant. Les imprimeurs et toutes les personnes arrêtées en vertu du mandat général imprudemment lancé obtinrent de la Cour des plaids communs des dommages-intérêts pour emprisonnement illicite, et Wilkes, qui, de son lit de souffrances, inondait la ville de ses sarcasmes contre les ministres, intenta une action contre les secrétaires d’état. Lun d’eux, lord Egremont, était mort, lord Halifax était couvert par le privilège parlementaire ; mais le sous-secrétaire d’état Wood fut condamné par un verdict du jury à payer à Wilkes 200 livres sterling. C’est dans cette occasion que le juge Pratt prononça formellement que les mandats généraux étaient inconstitutionnels, illégaux et absolument nuls. Il y voyait, disait-il, une verge de fer pour le châtiment du peuple anglais ; mais il demanda en même temps que sa décision fût soumise à l’examen des douze juges d’Angleterre ou de la réunion des trois cours souveraines du royaume. Elle fut postérieurement confirmée par la Cour du banc du roi.

Sur ces entrefaites, un Écossais, nommé Alexandre Dun, se présenta chez Wilkes et insista pour lui parler. Il parut suspect, on le fouilla, et on le trouva armé d’un poignard. Il fut établi qu’il s’était vanté, dans un café, d’avoir, avec dix autres, résolu d’égorger Wilkes. Était-ce un homme aposté ? était-il ivre ou aliéné ? La chambre des communes, devant laquelle il fut conduit comme ayant voulu attenter aux jours d’un de ses membres, reconnut la démence, et ordonna la mise en liberté ; mais la Cour du banc du roi le fit mettre en prison comme ne pouvant fournir ni caution ni sécurité. Cet incident porta