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laquelle vous avez affaire, leur dit-il, n’est ni républicaine, ni royaliste ; elle est française. »

Au plus fort de la terreur, alors que les soulèvemens éclataient partout, en Vendée, à Lyon, à Toulon, Mallet conseille à la coalition de se tenir à l’écart, et aux émigrés de s’approcher de la frontière, afin, de pouvoir rassembler sous leur étendard les nombreux fugitifs qui échappent à la mort, tout prêts à se rallier à un drapeau, pourvu que ce drapeau soit français, et à résister aux terroristes, pourvu que ce ne soit pas avec les étrangers. Il fait sentir à la coalition que la résistance désespérée de la France a sa cause dans une répulsion invincible pour l’étranger, et que c’est grâce à ce sentiment national outragé que la France supporte sans murmures ses bourreaux et ses tyrans. Il engage les gouvernemens coalisés à ménager ce sentiment au lieu de le blesser et de l’irriter, comme on le fait chaque jour par des imprudences, des brochures violentes et des propos de vengeance. Il dit tout nettement qu’il faut combattre le sentiment de terreur qui fait craindre aux hommes compromis dans la révolution de n’échapper à leurs tyrans actuels que pour retomber sous l’empire d’autres tyrans tout aussi implacables. Au sein de la coalition, Mallet est comme un prédicant de civilisation ; mais les sentimens qu’il recommandait étaient loin d’être ceux des hommes qui l’entouraient. Dans le camp de l’émigration, les idées les plus folles avaient cours, et l’on y tenait à l’étourdie les propos les plus violées. On refaisait en imagination une nouvelle édition de la terreur ; on ne rêvait que potences, roues et échafauds, et là, comme au sein de la convention, il y avait une montagne, une gironde et une plaine. Mallet, à son arrivée à Coblentz, trouva l’émigration divisée en trois camps : les calonnistes, les anti-calonnistes et les monarchiens. Les premiers, ayant à leur tête M. de Calonne, ce ministre que nous avons vu servir si honnêtement la monarchie, ne voulaient entendre à rien, et demandaient tout simplement la restauration de l’ancien régime. Un certain M. de Vaudreuil, jadis de la coterie polignac, un des hommes dont le persiflage et les froides méchancetés avaient le plus contribué à soulever le peuple contre la reine, appartenait à cette coterie. Ces hommes n’avaient pas assez de rage, de haine et de colère contre la France et la révolution, dont leurs folies coupables avaient provoqué les excès.

Les monarchiens, auxquels Mallet appartenait, comprenaient tous les hommes modérés et honnêtes de l’émigration, les constitutionnels royalistes et les seuls amis désintéressés de la monarchie et du roi. Ceux-là étaient mis par les premiers au ban de l’opinion ; plusieurs fois Mallet eut à supporter leurs injures. Les libellistes du parti le menaçaient de le faire pendre, lorsque la contre-révolution serait venue. Le publiciste monarchien se vit rangé tout à côté de Robespierre et