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respect, la vertu, la santé morale, et jusqu’à cet honneur qui lui avait toujours été si cher, et qu’elle devait les retrouver ou périr : elle les cherche encore.

Mallet, esprit sagace et pénétrant, remarqua très bien ces caractères singuliers qui séparent la révolution française de tous les autres événemens du monde, et, jugeant qu’il était inutile de combattre une pareille tourmente avec des feuilles de papier, il accepta une mission de Louis XVI pour l’empereur d’Autriche, le roi de Prusse, et ses frères émigrés. Il était chargé de leur faire connaître les intentions du roi relativement à la guerre, et de leur faire approuver un projet de manifeste à publier par eux dans la campagne qui allait s’ouvrir. Louis XVI s’attachait à démontrer que cette guerre devait avoir le caractère d’une lutte de puissance à puissance, et non le caractère d’une guerre de principes : vaines précautions ! le manifeste fut adopté dans les premiers momens ; mais l’émigration, avec son habileté ordinaire et sa modération bien connue, manœuvra si bien, que le premier manifeste fut déchiré, et qu’à sa place, à la grande surprise de Mallet, parut le fameux manifeste du duc de Brunswick. Dès-lors la mission de Mallet était finie. Le 20 juin et le 10 août vinrent bientôt le lui apprendre ; les intermédiaires et les conciliateurs furent violemment écartés, et la guerre commença pour se continuer sans trêve ni merci, au moins du côté de la France, car, du côté des puissances, elle était, il faut l’avouer, mollement menée. Trop de causes diverses, trop d’intérêts, trop d’intrigues les faisaient agir, et Mallet, témoin de toutes les fluctuations, s’écrie : « L’Europe est finie : vous entrerez en révolution quand la France en sortira ! » À chaque instant, le faisceau de la coalition se décompose ; tantôt c’est la Prusse qui se retire lorsque l’Autriche prend les armes, tantôt c’est l’Espagne qui, en haine de l’Angleterre, sort de la coalition, et, au-dessus de toutes ces rivalités, l’Angleterre accorde ou suspend son concours au gré de ses intérêts, désireuse qu’elle est de voir détruire la France par le continent et le continent par la France. Dès le commencement de la guerre, Mallet, qui ne devait plus revoir la France, devint le correspondant de tous les cabinets de l’Europe ; il entretint des relations suivies avec M. de Hardenberg, avec les ministres autrichiens, avec lord Elgin, sans compter une correspondance très active avec les personnages les plus influens de l’émigration, avec le maréchal de Castries, avec M. de Sainte-Aldegonde, gentilhomme flamand attaché au comte d’Artois. Il suivit la marche des événemens jour par jour, et se trompa rarement sur leurs résultats immédiats et le parti qu’on en pouvait tirer. La coalition devait, selon lui, l’aire bien entendre aux Français qu’elle avait pris les armes non contre la France, mais contre son gouvernement, non contre la révolution, mais contre l’anarchie. « L’armée à