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terroristes qui justifient, par l’imminence des dangers, des excès et des crimes sans nom, ne sont pas seulement monstrueuses, mais qu’elles sont aussi vaines et niaises. L’imagination a joué un grand rôle dans l’histoire de la révolution française, si bien que, dans les récits qui en ont été faits, on peut dire que la réalité n’est jamais seule et qu’elle est toujours mêlée à la fable, que la vérité et la fable sont si bien unies ensemble qu’il est impossible aujourd’hui de les séparer.

La révolution a ainsi, par cet abus de l’imagination, donné raison à tout le monde, et l’exagération des faits les plus simples a fourni des armes à tous les partis. Que de crimes ! disent les uns ; que d’héroïsme ! disent les autres. Hâtons-nous d’ajouter que cette exagération ne lui nuit pas, car si elle était écartée, si tous les événemens étaient ramenés à leur simple réalité, beaucoup de géans peut-être seraient réduits à la stature de nains, et l’épopée révolutionnaire, comme on dit aujourd’hui, serait restreinte aux proportions de la plus simple histoire. Alors on s’apercevrait peut-être qu’il y avait bien de la faiblesse, bien de l’incertitude d’esprit dans ces hommes dont aucun n’a un but net, déterminé et vers lequel il marche franchement, qui font tout le contraire de ce qu’ils avaient l’intention de faire. Ce qui fait le grandiose de la révolution, c’est la fatalité. Eh bien ! recherchez la cause de cette fatalité, et vous trouverez qu’elle provient de la faiblesse de caractère des hommes de ce temps, de l’obscurité de leurs desseins, de l’ignorance où ils étaient eux-mêmes du but vers lequel ils marchaient.

Les mémoires de Mallet Dupan et la correspondance de Mirabeau et du comte de La Marck ont, entre autres mérites, celui de la vérité. Ce sont les premières publications peut-être où la crédulité ne joue aucun rôle, où les passions soient mises de côté. On lève enfin un coin du voile qui couvrait certains événemens, on assiste au jeu véritable des partis, aux négociations, aux pensées cachées de quelques-uns des personnages de la révolution. On aperçoit enfin le véritable Mirabeau, un Mirabeau monarchique, politique, et non plus le Mirabeau légendaire, extérieur, le titan romantique de M. Hugo, le Satan de M. de Chateaubriand. Nous avons un Mirabeau humain, vrai, un homme de génie, et non plus une comète échevelée ou un monstre. Par opposition, nous avons aussi un autre Lafayette que le Lafayette traditionnel ; nous avons un Lafayette factieux à force d’entêtement, légèrement vaniteux, instrument dangereux entre les mains des habiles, utile à ses ennemis, véritable embarras pour ses amis. Les constitutionnels et les radicaux perdront quelques illusions ; mais la vérité historique y gagnera. Il en est de même des mémoires de Mallet Dupan. Jamais on n’avait eu des renseignemens aussi exacts et aussi sincères sur l’émigration, sur la coalition, sur les guerres civiles de cette époque. Les folies de Coblentz (nous employons le mot consacré)