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jamais abandonnée vis-à-vis des chrétiens de la Chine. En aucun lieu, la liberté de conscience n’eût été plus complète, plus absolue qu’au sein du Céleste Empire. Malheureusement, c’est en Chine surtout que les faits sont loin de répondre aux paroles. Les conquérans tartares qui règnent à Pe-king ne se sentent point assez affermis sur un trône que les sociétés secrètes ont failli renverser il n’y a guère plus d’un demi- siècle, pour voir avec indifférence grossir cette secte nouvelle dont les progrès leur semblent un danger pour leur couronne. Il existe toujours en Chine contre les chrétiens une persécution sourde, latente, qui n’attend que son heure pour éclater. Signalez aux mandarins de Canton les excès de pouvoir, les vexations journalières des autorités provinciales : ils trouveront pour échapper à vos représentations de faciles issues. Les Chinois arrêtés ne seront pas des chrétiens que l’on poursuit à cause de leurs croyances ou de leurs pratiques religieuses. Il n’y aura plus dans les prisons que des criminels, des voleurs ou des assassins livrés régulièrement aux tribunaux et que la protection étrangère ne saurait essayer de couvrir. La tolérance du gouvernement chinois à l’égard des chrétiens du Céleste Empire ne saurait donc être entretenue que par une surveillance de tous les instans. Les réclamations incessantes des agens français sont aussi nécessaires au succès de la cause évangélique en ce pays que le zèle intrépide de nos missionnaires. Si la politique qui décida la création d’un poste diplomatique à Canton avait besoin d’être défendue, il suffirait, pour justifier cette mesure, de mentionner les succès obtenus par M. Forth-Rouen pendant sa longue et honorable gestion et de montrer cette sécurité croissante dont les chrétiens des parties les plus reculées de la Chine, les néophytes du Su-tchuen et du Kouei-tcheou, furent redevables à ses persévérans efforts.


III.

Quelques jours après l’entrevue du ministre de France et du vice-roi de Canton, la Bayonnaise vint reprendre son poste sur la rade de Macao. Nous avions pu apprécier à Wampoa le mouvement du commerce régulier de la Chine; il nous restait à étudier ce commerce interlope qui occupe le premier rang dans les échanges du Céleste Empire. A quinze milles du fort de San-Francisco, près du coude que forme l’île Hiang-shan à l’embouchure du Chou-kiang, l’île de Cum-singmoun abrite un mouillage aussi sûr et plus vaste que le port intérieur de Macao. C’est là que la contrebande a fait élection de domicile. Chaque maison de commerce anglaise ou américaine entretient dans cette baie un dépôt flottant d’opium armé de canons et prêt à repousser par la force les visites des mandarins ou les attaques des pirates. L’île de