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œuvre inachevée. Député aux certes, il avait un prétexte légitime pour rentrer dans sa patrie ; mais déjà, quand la Bayonnaise arriva sur les côtes de Chine, on pouvait prévoir que cet homme opiniâtre ne consentirait à quitter son poste que lorsqu’il aurait vu les portugais aussi maîtres dans Macao que les Anglais l’étaient dans Hong-kong.

Amaral ne se dissimulait point cependant que le temps des grandes destinées était à jamais passé pour Macao. Son ambition ingénieuse ne rêvait point d’impossibilités. Il pensait que cet établissement pourrait un jour concentrer le cabotage actif qui s’exerce entre les côtes méridionales de la Chine, le golfe du Tong-king et l’île de Haï-nan. Il croyait surtout qu’il fallait faire de Macao le contre-poids de Hong-kong, l’asile ouvert à tous les pavillons européens. Malgré les doctrines libérales qui avaient présidé à la fondation de la colonie anglaise, Macao était demeuré le séjour de tous les étrangers que le soin de leurs intérêts commerciaux n’obligeait point impérieusement à résider sur le territoire britannique. Le climat, assaini par les brises du large, y attirait même, pendant une partie de l’été ;, les négocians ou les fonctionnaires anglais qui abandonnaient à l’envi leurs somptueuses demeures pour venir respirer à Macao l’air vif de l’océan, et goûter un instant sur cette calme péninsule le plaisir d’échapper au tracas des affaires et aux exigences de la vie officielle. Des convenances politiques, qu’il est facile d’apprécier, avaient aussi retenu au sein de l’établissement portugais les consuls accrédités auprès du gouvernement chinois. On n’eût pu condamner ces agens à végéter dans l’enceinte des factoreries de Canton, et l’on eût hésité à grouper autour du pavillon britannique, à placer pour ainsi dire à l’ombre de ce drapeau dominateur le lion de Castille, les trois couleurs de France et les étoiles des États-Unis. Macao était donc un asile heureusement ouvert à toutes les influences qui ne voulaient point s’effacer complètement devant la prépondérance de l’Angleterre. Sous ce rapport, cet humble et paisible comptoir, si long-temps résigné à toutes les humiliations que lui imposait l’insolence des mandarins, avait des droits sérieux aux sympathies des puissances européennes. Déjà les Américains avaient établi dans cette ville de vastes magasins pour le ravitaillement de leur division navale. Amaral ne doutait pas que les Espagnols et les Français ne suivissent bientôt cet exemple. C’était dans ce concours des étrangers qu’il voyait l’avenir d’une colonie signalée autrefois par ses prohibitions jalouses. Pour retenir cette population nomade à Macao, aucun soin ne lui paraissait superflu. Il voulait aplanir l’âpre territoire qu’il avait enfin reconquis, et songeait à tracer de larges routes au pied des collines granitiques que couronnent les forts da Penha et do Monte. En tout autre pays, ce terrain tourmenté n’eût point été digne de pareils travaux ; mais, dans le midi de la Chine, sur ces côtes