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ment de sécurité, importe surtout à sa prospérité matérielle. » Après l’épreuve assez pénible des discussions de la seconde chambre, tout le système a définitivement échoué au sénat par un côté que le cabinet tenait pour essentiel. Quelques objections plus spécieuses que réelles contre la loi elle-même, quelques procédés maladroits de la part des ministres, quelques susceptibilités perfidement éveillées au sein de la première chambre, tels étaient les griefs apparens sous lesquels la loi succombait. Au fond, ce qu’il y avait de vrai, c’est que le parti catholique, trop faible encore pour attaquer à découvert le gouvernement qui a préservé la Belgique de la commotion de février, saisissait avec empressement l’occasion d’une mesure contestée dans une portion du camp libéral pour former une majorité contre le ministère. Tout en publiant qu’il ne s’agissait point de politique, mais d’un intérêt moral et du bon ordre administratif, le parti catholique ne se faisait pas faute de démanteler les retranchemens du parti libéral, et se préparait à reconquérir le pouvoir qu’heureusement pour la Belgique il avait perdu dès avant 1848. Il était pour manœuvrer ainsi plus à l’aise dans le sénat que dans la seconde chambre. Le roi, qui appuyait le cabinet de ses sympathies comme il est lui-même appuyé par celles du pays, a donné raison à ses ministres et dissous le sénat. Nous avons expliqué comment les élections, roulant nécessairement sur un petit nombre d’éligibles, n’ont pas renvoyé une assemblée beaucoup plus favorable. On ne peut cependant se dissimuler que les électeurs des grandes villes se sont prononcés très énergiquement pour le ministère aussitôt qu’il a été visible que la fortune du parti libéral était en question. La population des campagnes a seule maintenu la balance, parce qu’elle a obéi avec sa docilité accoutumée aux prescriptions du clergé, qui a le tort de trop se mêler, en Belgique, des choses de ce monde. Les campagnes ont fourni toutes leurs voix aux candidats de l’église, aux adversaires du gouvernement ; mais les campagnes ne pèsent pas autant par leur crédit que par leur masse, et si faible que soit l’appoint acquis au ministère dans le nouveau sénat, les membres du parti libéral qui tiennent pour lui n’en représentent pas moins les élémens les plus considérables et les plus actifs de l’esprit public.

L’esprit public s’est d’ailleurs manifesté tout dernièrement dans deux rencontres différentes de manière à ne pas laisser de doute sur la direction qui lui plaît. Le mouvement de 1847, qui a enlevé si fort à propos la Belgique à la domination du parti catholique, s’affermit et se consolide, bien loin de décroître. On en a pu juger encore durant l’intervalle qui vient de s’écouler en Ire les élections et l’ouverture de la session parlementaire. Le mauvais effet produit sur l’opinion par l’attitude du clergé vis-à-vis des écoles de l’état, le résultat général des élections, qui ont renouvelé les pouvoirs de toutes les municipalités du royaume, sont deux preuves excellentes des dispositions réelles de la grande majorité du peuple beige.

La loi du 1er juin 1850 a organisé en Belgique l’enseignement de l’état dans les établissemens d’instruction secondaire. Cette loi a été votée malgré les réclamations du parti clérical, qui criait comme chez nous au monopole de l’état, parce que l’état avait la prétention très modeste d’exister et de compter pour quelque chose à côté de l’église. L’église belge a pris une revanche singulière. C’est une église militante, plus accessible aux passions politiques qu’aux inspirations de la charité : elle a jeté autant qu’il dépendait d’elle une sorte d’in-