Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 12.djvu/748

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
BEAUX-ARTS





LE PLAFOND DE M. DELACROIX.




M. Eugène Delacroix a franchement accepté le programme tracé par Lebrun pour la décoration de la galerie d’Apollon. A-t-il eu raison? Je le crois sincèrement. La donnée mythologique choisie par le premier peintre de Louis XIV ne rentre pas dans les études habituelles de M. Delacroix; cependant je pense qu’il a bien fait d’obéir aux idées primitives qui ont présidé à la composition de cette galerie. Il ne s’est pas inquiété des flatteries agenouillées qui se cachaient sous le projet de Lebrun, Peu nous importe en effet qu’Apollon vainqueur du serpent Python signifie Louis XIV vainqueur de l’Europe. Cent trente-six ans après la mort du grand roi, cette allégorie n’aurait aucune valeur. M. Delacroix s’en est tenu au premier livre des Métamorphoses d’Ovide. La destruction du serpent Python est un des premiers exploits du fils de Latone; ce serait même le premier, selon quelques mythographes, et ce n’est pas moi qui me chargerai de les mettre d’accord avec Ovide. Qui de nous tient aujourd’hui à savoir si le serpent Python avait été suscité contre Latone par la jalousie de Junon, si Apollon a tué le serpent Python pour venger sa mère persécutée par la sœur et l’épouse de Jupiter? Toutes ces questions n’intéressent guère que les antiquaires, et la mythologie, je l’avoue, ne m’inspire pas une assez vive passion pour que j’essaie de les résoudre. J’aime mieux admettre comme vrai le texte d’Ovide.

M. Delacroix, en acceptant le programme de Lebrun, a voulu prouver sans doute qu’il possède une imagination assez abondante pour intéresser le spectateur sans recourir à l’émotion dramatique; c’est une résolution à laquelle tout le monde doit applaudir. Pour ma part, je n’ai pas attendu le plafond de