Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 12.djvu/717

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rampent en spirales odorantes autour de ses branches, et se perdent dans des hauteurs invisibles.

Quels effets de lumière chatoyante, à travers ces taillis, sur les vitres en losange de l’auberge, caressant les mousses des rochers, dorant l’épiderme des gazons ! Comment décrire ce tableau ? La plume est si maladroite, le pinceau si terne, si impuissant ! Vous descendez encore ; alors il faut baisser la tête, et se faire jour au milieu de jeunes gaulis dont les rameaux vous barrent de temps en temps le chemin. Les degrés d’un petit escalier qui s’abaisse en zigzag vous amènent enfin à un sentier plus facile, cette fois parallèle à la vallée, et dans la direction de la mer, dont la grosse voix se fait alors entendre de plus près. À cet endroit, vous êtes surpris, puis attiré par le parfum suave d’un chèvrefeuille qui embaume les environs. L’interdiction ordinaire : no-thorougfare[1], écrite en gros caractère sur une grille en bois, vous fait hésiter un instant ; mais il y a tant de mystère et de séduction dans ce lieu charmant, que vous poussez la barrière, malgré la consigne, et que vous entrez. J’avoue que j’ai commis cette indiscrétion. À l’extrémité d’une toute petite clairière, jardin, cour, tout ce que vous voudrez, tapissée d’une herbe de très près tondue, s’élève une maisonnette. Au centre de la verte pelouse, un beau fluxia étale avec orgueil des milliers de clochettes d’un rouge écarlate. La maisonnette est, bien entendu, couverte en chaume, mais son toit a disparu, tout comme ses murs, sous des masses de rosiers, de jasmins et de chèvrefeuilles dans tout l’éclat de leur floraison. Un hortensia bleu gigantesque est placé, comme une sentinelle, à la porte, et s’élève jusqu’au faîte de cette demeure rustique. Je trouve le rez-de-chaussée ouvert, j’y entre : c’est un petit salon coquettement meublé, avec des fauteuils comfortables, un tapis, de jolies gravures, un excellent piano ; je pousse plus loin, et, à mon grand étonnement, au lieu d’un logement pour rire, comme je m’attendais à en rencontrer un, je suis obligé de constater la présence de plusieurs chambres à coucher, d’une cuisine, de tout ce qu’il faut, en un mot, pour passer le mois de juillet très agréablement à l’ombre, et à trente pas de la mer. Mon étoile a permis que le Honey-moon-cottage[2] fût à louer par hasard, et j’en pris possession à l’instant. Ce cottage m’a paru encore plus joli le lendemain. C’est, au surplus, l’effet qu’il produit sur tout le monde. À cette époque de l’année, les visiteurs se succédaient sans interruption dans le chine ; tous les jours, une foule de touristes descendaient le petit escalier de bois, et passaient devant ma porte pour

  1. On ne passe pas.
  2. Ce cottage est souvent occupé par de nouveaux mariés, qui viennent y passer leur honey-moon, leur lune de miel.