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celui où il était incliné, et avec une telle force, dit-on, que le pavillon royal qui flottait au haut du grand mât fut un instant en contact avec la mer. Malheureusement on n’avait pas fermé les sabords, et dans cette immersion latérale et instantanée, le Royal-George embarqua tant d’eau. qu’il ne se releva que pour couler à pic. La plupart des embarcations attachées aux côtés du bâtiment le suivirent dans le gouffre. On ne put sauver qu’une partie des personnes qui se trouvaient à ce moment sur les gaillards ; de ce nombre était l’amiral Durham, alors midshipman à bord du vaisseau, et qui commandait, il y a quatre ans encore, à Portsmouth. — La presse anglaise nous a souvent entretenus des procédés de sauvetage mis en pratique sous les ordres de l’amirauté, depuis quelques années, pour retirer du fond de la mer ce qui pouvait s’y trouver encore de la coque du Royal-George. Des explosions sous-marines, déterminées par le moyen d’une pile voltaïque et fréquemment réitérées, ont Uni par réduire en miettes ses derniers vestiges.

Peu de temps après avoir quitté Ryde, en continuant le tour oriental de l’île, on traverse Brading : c’est un petit village sans importance, où se trouve cependant une vieille église saxonne assez remarquable. Au-dessous de Brading, la mer s’avance dans les terres de manière à former un grand lac à la marée haute : c’est ce qu’on appelle le Brading-Haven ; malheureusement, au moment du reflux, la plus grande partie des eaux se retire, et laisse le lit du golfe à découvert. Vu du sommet de la haute colline où s’élève la route, ce petit Zuyderzée produit un bel effet. Le sol de l’île est ici fort accidenté, et les légères voitures qui servent aux voyageurs de moyen de transport sont obligées elles-mêmes d’enrayer à la descente de Brading.

Le fort de Sandown, qu’on laisse un peu loin en passant à gauche, a pour but de défendre la baie de ce nom, et n’est pas occupé maintenant. Une réunion de villas, uniquement destinées à loger les étrangers pendant la saison des bains, forme ce qu’on appelle Sandown ; leur architecture à toits pointus, dans le style du temps d’Elisabeth, donne à ces constructions un certain cachet d’originalité. Sandown. ainsi que son nom l’indique, est bâti sur le sommet des dunes sablonneuses qui enserrent la baie. Situé à une hauteur considérable au-dessus de la mer, où les baigneurs descendent par des escaliers grossièrement taillés dans les cliffs[1], Sandown se ressent de son élévation et de son exposition à tous les vents ; ce lieu est assez aride. Dans les parties de l’île de Wight où règnent les hautes falaises et où le pays se trouve découvert de tous les côtés, la végétation ne prospère qu’aux lieux où les plis du terrain lui procurent un abri. Il n’en est pas de même de l’intérieur et de la côte septentrionale. Le charmant hameau de

  1. Cliff, dune, falaise.