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les voir ; je me suis trouvé de l’avis de ces derniers jusqu’au moment où, quittant les petits chapeaux d’homme qui leur allaient si bien, elles se sont coiffées d’une casquette ou du large sombrero espagnol orné d’une plume. Maintenant, j’oserai hasarder une autre opinion : c’est que, pour la bonne grâce et l’aisance, elles ne le cèdent à aucune femme au monde, si on les considère sur l’impériale d’une diligence ; c’est là, sans contester leur mérite en d’autres lieux, qu’elles triomphent, selon moi, véritablement.

À mesure qu’on approche de Ryde, la file des voitures devient plus serrée ; on se croit à la porte d’une grande ville ; il n’en est rien cependant : ce qui explique ce luxe et cette élégance, c’est que Ryde est presque exclusivement habité par des familles très riches. Cette petite ville est toute neuve, les rues en sont très proprement tenues, et l’on y trouve de magnifiques magasins. Sa proximité de Portsmouth, le service continuel des steamers qui traversent le détroit et communiquent avec les différens ports du littoral impriment aux environs du Pier une assez grande animation. Le Pier est une jetée en bois hardiment construite et soigneusement disposée ; elle s’avance au moins d’un kilomètre dans la mer et sert de promenade aux personnes qui n’ont pas peur du vent. Dans la belle saison, les yachts viennent croiser devant l’extrémité du Pier et faire admirer leurs évolutions aux belles dames de la ville.

Les navires qui se rendent de Southampton aux Grandes-Indes mouillent en général devant Ryde, pour y compléter leurs approvisionnemens. C’est un lieu à la mode pour les bains de mer, et il y a quelques années, il était d’usage dans la noblesse d’y avoir un pied à terre. Du reste, cette ville est surabondamment pourvue, comme Newport, de tous les établissemens religieux ou d’utilité publique que sa faible population peut désirer. L’église catholique est charmante ; elle a été bâtie par une dame irlandaise, la comtesse de Clare, qui subvient en outre généreusement aux frais du culte. Toutes les autres constructions communales, y compris le Pier, sont le résultat de contributions volontaires ; l’intervention du gouvernement ne se fait sentir nulle part ici. Ces travaux s’effectuent au moyen de capitaux réunis par souscriptions, c’est l’invariable manière de procéder en Angleterre. Ajoutons qu’on n’y spécule pas sur les actions de cette nature, et que les porteurs de titres se contentent d’avoir 1 demi ou 2 pour 100 de leur argent.

Ryde est entouré d’une multitude de maisons de campagne, dont un étranger peut tout au plus deviner l’existence, mais qui sont en général dissimulées aux yeux du public par des masses d’arbres plantés à cet effet. C’est au surplus ce qui arrive partout dans ce pays. L’amour de la vie de famille et des jouissances tranquilles d’un intérieur