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mémoire du 5 avril 1700, Vauban avait désigné l’atterrage de Cancale comme le point le plus favorable pour le débarquement d’une armée de douze à quinze mille hommes avec du canon, dirigée contre Saint-Malo, et l’on conclut de ce qui venait de se passer qu’il fallait défendre la rade par un fort, qui fut, en effet, construit sur l’île des Rimains. Il eût mieux valu suivre le conseil de Vauban tel qu’il le donnait, et, en fortifiant Saint-Malo, se guérir une bonne fois pour toutes des inquiétudes auxquelles on sera toujours exposé à l’occasion de cette ville, et par-dessus cela en faire une excellente ville de guerre et de commerce à peu de frais, et sans que l’un puisse nuire à l’autre.

La flotte qui venait de séjourner du 4 au 22 juin dans les eaux de Cancale et de Saint-Malo alla faire une descente à Cherbourg, où l’on ne se défendit pas, y fit beaucoup de mal, puis rentra dans les ports d’Angleterre, s’y ravitailla, et reprit la mer, forte de cent cinq voiles. Le 3 septembre au matin, elle fut signalée à six lieues au large du cap Fréhel, et vint mouiller le soir devant l’île Agot, à cinq milles à l’ouest de Saint-Malo.

Le 4, une partie de la flotte entre dans l’anse de Saint-Briac ; deux frégates s’embossant canonnent la plage déserte ; cinq mille hommes et deux cents chevaux, dont moitié d’artillerie, sont débarqués et campent sur la pointe de la Garde-Guérin ; de fortes reconnaissances viennent jusqu’au bord de la Rance vis-à-vis Saint-Malo. — Le 5, les Anglais brûlent à Saint-Briac vingt-deux barques de pêcheurs, plusieurs maisons, le presbytère ; puis, se répandant dans la campagne, ils incendient les granges, les moulins, et, jusqu’aux meules de fourrage. — Le 6, le reste des troupes est débarqué, et le surlendemain le corps complet campe au bord de l’Arguenon, vis-à-vis le Guildo.

Dès que l’ennemi eut opéré sa descente à Saint-Briac, les forts de Saint-Malo furent garnis de canonniers ; une ligne d’embossage fut formée dans la Rance par une frégate et des corsaires, les milices des capitaineries de Dol et de Dinan occupèrent tous les passages de la rivière. Cependant le duc d’Aiguillon avait appris le 5 à Saint-Mathieu, près Brest, le débarquement des Anglais. Ses dispositions étant prises pour la sûreté de Brest, de Lorient, de Port-Louis, de Belle-Isle et de Nantes, il fait arriver à marches forcées toutes les troupes disponibles dans la province sur la ligne de Lamballe, de Jugon et de Dinan, de manière à enfermer l’ennemi entre la Rance et la baie de Saint-Brieuc ; il est lui-même, le 8, à Lamballe, porte son quartier-général à Plancoët, où il n’est plus qu’à 10 kilomètres de l’ennemi, et appelle à lui