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« Khlestakof. — Comment cela se peut-il ?

« Première femme. — Il l’a fait, le gredin ! il l’a fait. Que Dieu le frappe en ce monde et dans l’autre ! S’il a une tante, que tout aille de travers chez elle ! Si son père vit encore, qu’il crève, la canaille ! ou qu’il étrangle à tout jamais, le gredin qu’il est ! C’était le tour au fils du tailleur, outre que c’est un pochard ; mais les parens, qui sont riches, ont donné un cadeau. Pour lors, cela tombait au fils de la Panteleïef, une marchande d’ici ; mais la Panteleïef alors a envoyé à Mme son épouse trois pièces de toile. Alors on est tombé sur moi. Qu’as-tu affaire de ton mari ? qu’il m’a dit ; il ne te sert à rien. — possible, que je dis ; mais qu’il me serve ou qu’il ne me serve pas, c’est mon affaire… Quel gredin ! il dit, ce voleur ! il dit : S’il n’a pas volé, c’est égal, qu’il dit, il volera. Pour lors, l’année suivante, on le prend pour conscrit. Il me laisse sans mari, le gredin ! Je suis une pauvre femme ! Maudit vaurien ! puisse toute sa lignée ne plus voir le jour du bon Dieu, et s’il a une belle-mère, que sa belle-mère…

« Khlestakof. — C’est bon, c’est bon, ma petite mère. Il paiera tout cela. — Et toi, que veux-tu ?

« Deuxième femme. — Je viens, mon petit père, frapper le front contre…

« Khlestakof. — Dépêche. De quoi s’agit-il ?

« Deuxième femme. — Du fouet, mon père.

« Khlestakof. — Comment cela ?

« Deuxième femme. — Par erreur, mon petit père. Nos femmes se sont disputées au marché. La police est venue ; on m’empoigne, et ils ont fait un rapport, que j’en ai été deux jours sans pouvoir m’asseoir.

« Khlestakof. — Que veux-tu que j’y fasse ?

« Deuxième femme. — Il y a bien quelque chose à y faire. Ordonne qu’à cause de l’erreur, il me paie une indemnité ; je ne la refuserai pas, et un peu d’argent m’arrangerait fort au jour d’aujourd’hui. »


Le cinquième acte contient la moralité de l’ouvrage. Khlestakof est parti. Le gouverneur, persuadé qu’il veut épouser sa fille, rêve déjà les cordons et les grades que son gendre ne peut manquer de lui procurer, lorsque le directeur de la poste, qui a ouvert les lettres selon son habitude, lui en apporte une que Khlestakof écrit à un de ses amis, rédacteur d’un journal à Pétersbourg. Il raconte son aventure et se moque de ses dupes. La lettre est lue devant tous les fonctionnaires assemblés, et chacun y trouve son paquet. C’est une imitation libre de la scène du billet dans le Misanthrope. Au milieu de l’ébahissement général entre un gendarme annonçant que le véritable inspecteur est arrivé et qu’il invite ces messieurs à se présenter devant lui. Auront-ils à donner de nouveaux billets de banque ? seront-ils destitués et traités selon leurs mérites ? L’auteur ne nous le dit pas, et la toile tombe sur le tableau général de tous ces coquins volés et confondus.


P. Mérimée.