Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 12.djvu/63

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui étaient venues au secours de la métropole obérée. Toutefois, malgré leur progression croissante, elles ne pouvaient suffire aux besoins extraordinaires créés depuis 1830. Le déficit avait alors été comblé par des voies artificielles ; on empruntait, on engageait les recettes présentes et futures des colonies pour se procurer des centaines de millions et les soustraire au contrôle des états-généraux.

On se demandera peut-être comment de pareils abus purent s’établir. La constitution elle-même les favorisait. Il existait, dans la constitution un article, l’article 60, qui avait attribué exclusivement au roi l’administration suprême des colonies et possessions de l’état dans les autres parties du monde. Le gouvernement profitait de cet article pour soustraire les colonies à toute espèce de contrôle du pouvoir législatif, pour les monopoliser à son profit, et cette appropriation s’était faite d’abord sans difficulté, sans aucune réclamation des états-généraux. On considérait comme une charge pour le trésor ces colonies, qui, sous la main puissante de Guillaume, allaient rendre la prospérité à la métropole et faire l’objet des éternels regrets de l’industrie belge.

Pour défrayer les dépenses de l’état armé, le gouvernement ajoutait aux recettes des colonies plusieurs opérations que l’institution du Syndiacat (caisse d’amortissement) dut couvrir d’un voile mystérieux. C’est à l’aide de cette caisse, de nombreuses avances faites par la Société de commerce, d’emprunts contractés à la charge des colonies, qu’il se créait des ressources qu’aux yeux du pays la prospérité croissante de Java paraissait seul justifier. Après avoir épuisé toutes les voies pour se procurer des fonds, il fallut enfin avouer la triste réalité. Toutes les caisses de l’état étaient vides, le trésor était en déficit : le gouvernement avait contracté un emprunt pour des travaux publics et employé les fonds à des destinations étrangères ; il n’avait même pas craint, pour faire face à ses dépenses illégales, de porter la main à des fonds qui lui avaient été donnés en dépôt ; en un mot, il était manifeste que le budget officiel, depuis dix ans, avait été inexact et les chiffres qui le composaient groupés à dessein.

Cette terrible situation a trouvé dans les principaux publicistes de la Hollande de fidèles historiens et de sévères appréciateurs. « La couronne, remarque à ce propos M, Thorbecke[1], aujourd’hui ministre, s’appropria les colonies, que long-temps on avait considérées comme dépendant du domaine public… Le gouvernement avait déjà recouru au pouvoir législatif pour contracter des emprunts à la charge des colonies, sous la garantie de l’état. Les dépenses extraordinaires, devenues nécessaires depuis 1830, et la prospérité merveilleuse de nos possessions de l’Inde furent la cause de nouveaux engagemens conclus entre

  1. Observations sur la Constitution néerlandaise, tome Ier, p. 134 et suivantes.