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du crédit public, annonçait l’intention de procéder aux changemens rendus nécessaires dans la constitution par le démembrement du royaume. Il contenait aussi un passage relatif a certaines mesures financières qu’on se proposait d’appliquer aux produits des possessions transatlantiques. La présentation d’un budget qui ne contenait aucune des réductions que le rétablissement de la paix avait fait espérer, la demande d’un nouvel emprunt de 222 millions sur les produits des Indes, causèrent bientôt l’impression la plus défavorable. Ce qui augmenta l’irritation, ce fut l’aveu fait par le ministre des finances que l’équilibre entre les dépenses et les recettes était rompu, et que pour éviter de graves périls, il était urgent de négocier un emprunt de 222 millions pour opérer certains remboursemens à la charge du département des colonies. On cherchait en vain d’ailleurs dans les projets présentés quelques détails sur les opérations de la caisse d’amortissement (Syndicat). Peu à peu s’élevèrent dans les esprits des doutes que les premières délibérations des états vinrent brusquement changer en certitudes.

C’est la seconde chambre qui eut le triste honneur de mettre le doigt sur la plaie. Dans les délibérations des bureaux, elle constata qu’il résultait des propositions du gouvernement que le trésor devait 80 millions à la Société de commerce, que la caisse d’amortissement avait besoin d’une rente annuelle de 8 millions pour faire face à ses engagemens, que cette rente de 8 millions correspondait à un capital de 160 millions, lesquels, réunis aux 80 millions dus à la Société de commerce, représentaient un capital de 240 millions dépensés par le gouvernement sans autorisation ; que cette manière d’agir était contraire à la loi fondamentale et rendait illusoire le contrôle de la chambre. Le voile était enfin déchiré. Après dix ans de confiance illimitée dans le gouvernement, il demeurait manifeste aux regards de tous qu’une fausse voie avait été suivie dans la question des deniers publics.

C’était le régime des colonies qui avait permis au gouvernement de prolonger cet état de choses qui menaçait d’aboutir à une catastrophe. On connaît aujourd’hui la prospérité merveilleuse de l’île de Java. Java fut encore une des grandes créations du génie commercial de Guillaume Ier. Il fit de la Société de commerce le levier de la production coloniale de cette île, où il envoya le général van den Bosch. Sous son administration intelligente, la production de Java se développa dans des proportions inouies : elle avait plus que doublé depuis 1825 jusqu’en 1835, quadruplé en 1845. Ce progrès si rapide profitait tout entier au gouvernement, qui faisait transporter et vendre les produits de Java par la compagnie générale aux grands marchés de printemps et d’automne à Rotterdam et à Amsterdam. Les bénéfices énormes de ces ventes entraient ensuite dans les caisses du trésor. C’étaient ces belles recettes