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est tout-puissant, il y a un vizir ou premier ministre à qui est déléguée la plus grande portion de l’autorité royale. En fait, c’est ce vizir qui gouverne, et s’il a autour de lui, dans son divan, deux ou trois autres personnages revêtus en apparence du titre et des fonctions de ministre, il ne faut les considérer réellement que comme des aides ou des commis du vizir. Ainsi, à la cour de Téhéran, Hadji-Mirza-Agassi était premier ministre, et son pouvoir s’étendait à toutes les branches de l’économie politique, à toutes les affaires, de quelque nature qu’elles fussent. Il réglait, selon son bon plaisir, tout ce qui concernait l’armée, la religion, les impôts, le commerce, les relations diplomatiques. Sous ses ordres étaient des khâns ou des mirzas qui s’occupaient des détails de leur spécialité; mais il fallait qu’ils se tinssent dans une position d’infériorité et de dépendance vis-à-vis du vieux mollah, qui gouvernait en maître absolu. Ce vizir était trop jaloux de sa puissance pour tolérer la moindre rivalité, et, s’il s’en élevait une, il mettait tout en œuvre pour la briser. C’est ce qui arriva à l’un des hommes éminens de la Perse, Mirza-Massoûd, qui avait dans ses attributions les affaires étrangères. Son habileté était importune à Hadji-Mirza-Agassi, son crédit l’inquiétait; il le fit exiler pour mettre à sa place un jeune homme de vingt-deux ans, sans expérience, et qui ne pouvait être quelque chose qu’à la condition de se mettre à la dévotion de l’ombrageux vizir.

Nous avons déjà parlé des begliers-beys ou gouverneurs de province. Le beglier-bey a un pouvoir absolu sur ses administrés, et dirige à son gré les affaires de son gouvernement. Il ne répond, vis-à-vis du châh ou de son vizir, que de la somme partielle des impôts dont il doit compte, de la tranquillité publique, et de ce qui concerne les intérêts généraux de la monarchie. Quant au reste, il a pleins pouvoirs. Il y a là une explication, sinon une justification de la simplicité du gouvernement supérieur. Mais ce morcellement de l’état en plusieurs petits gouvernemens n’a-t-il pas de graves dangers? et serait-ce au prix d’une décentralisation semblable que certains utopistes voudraient ramener l’administration de la France à cette simplification voisine de la barbarie?

Les gouvernemens des begliers-beys sont très importans, puisque le royaume de Perse, comme on le sait, n’est divisé qu’en dix provinces. Chacune d’elles étant fort étendue, leurs chefs sont de grands personnages, quelquefois même des princes du sang royal; le plus grand nombre actuellement sont des khâns ou des chefs militaires. Chaque province est partagée en un certain nombre de districts généralement placés sous la juridiction d’un seul gouverneur. Cependant cette hiérarchie n’a rien de régulier ni de fixe, et souvent il arrive qu’on fractionne une province, soit pour en placer les diverses parties