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il appartenait exclusivement à ceux dont la famille était ancienne et d’origine élevée. L’étymologie même l’indique, car il est une abréviation des deux mots émir, noble, et zâdèh, fils. Considéré à ce point de vue et acquis par la naissance, il ne se perd pas; le litre de khân même ne saurait l’effacer, et beaucoup de Persans qui portent celui-ci n’en conservent pas moins le premier. Par extension, le nom de mirza est attribué à tous ceux que leur éducation et leurs moyens d’existence mettent au-dessus des ouvriers.

Nous avons dit qu’un Persan pouvait s’élever du rang qu’il occupe à une classe supérieure; il faut ajouter qu’aucun pays ne fournit peut-être autant d’exemples de déplacemens de ce genre. Il n’y a pas d’hommes qui se transforment plus facilement que les Persans. Ils ont pour cela une souplesse tout exceptionnelle. C’est vraiment une chose remarquable que de voir avec quelle merveilleuse facilité un pauvre mirza, par exemple, sait prendre les allures d’un grand seigneur, avec quel naturel il s’assimile les airs et les belles manières de l’aristocratie. Quelle aisance n’a-t-il pas à porter le kalaat du khân et à changer les habits de cotonnade grossière contre des vêtemens de cachemire et de soie, sans que l’on remarque en lui rien de choquant ou qui fasse contraste! Le Persan ainsi transformé ne trahit jamais son origine. Cela vient de la noblesse de maintien, de langage et de manières, qui caractérise généralement les nations asiatiques. On peut dire que dans les sociétés orientales, bien que les nuances hiérarchiques soient très tranchées et que l’aristocratie y jouisse de privilèges immenses, un champ très vaste est néanmoins ouvert à la démocratie. En Perse, heureusement, ces facilités offertes à l’ambition des classes inférieures n’ont rien de dangereux, grâce à ce vif et mobile esprit qui est le propre des habitans de l’Iran. On a dit d’eux qu’ils étaient les Français de l’Orient. S’ils se rapprochent de nous par quelques-unes de leurs qualités, il faut cependant convenir que nous n’avons rien ni de leurs défauts ni de leurs vices. Ils sont, à la vérité, spirituels, aimables, polis, bienveillans, hospitaliers, braves, alertes : leur imagination brillante aime la poésie, la peinture, les arts de toute espèce, et se passionne pour la gloire; mais la fourberie et la cruauté sont d’autres traits du caractère persan qui n’ont rien de commun avec le génie de notre nation. Si l’on peut encore dire, comme Xénophon, que les Persans montent bien à cheval et excellent à tirer de l’arc, le temps n’est plus, certes, où l’on peut ajouter avec le chef des dix mille qu’ils disent la vérité.

Dans la vie publique, ce sont surtout les défauts du caractère persan qui apparaissent; ce n’est pas sur l’administration persane, par exemple, qu’il faut arrêter ses regards, si on veut connaître la société de l’Iran par son beau côté. Quelques mots suffiront pour donner une idée du mécanisme administratif de ce pays. Au-dessous du châh, qui