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Orientaux. C’est par la voie de Bouchir que les harems s’approvisionnent d’eunuques et de servantes. Les premiers sont les plus chers : ils coûtent de 40 à 50 tomâns, c’est-à-dire 5 à 600 francs ; les filles varient de prix entre 40 et 20 tomâns. Cette marchandise, si je puis m’exprimer ainsi, est taxée comme toutes les autres ; chaque tête rapporte à la douane de 5 à 6 fr. C’est en général par les navires de Mascate que se fait ce trafic, et il est digne de remarque qu’il a lieu en face des Indes anglaises, en vue pour ainsi dire de ce pavillon britannique, l’effroi des négriers de la côte occidentale d’Afrique. Autrefois la pêche des perles était aussi une des branches importantes du négoce dans ces parages, en même temps qu’un moyen d’existence lucratif pour les populations voisines du littoral ; mais les anciens bancs d’huîtres sont devenus stériles, et il faut en chercher de nouveaux, moins riches ou situés à des profondeurs qui offrent de grandes difficultés aux plongeurs. Aussi la pêche des perles s’est-elle beaucoup ralentie.

Le climat de Bouchir, comme celui du pays de Guermsir en général, passe pour très insalubre, surtout pendant l’été. Dans cette saison, il souffle fréquemment sur cette côte, ainsi que dans les vastes plaines de l’Euphrate et du Tigre, un air que l’on dit mortel. Ces courans atmosphériques ont une très grande violence ; ils sont brûlans, et souvent ils portent la mort avec eux. Il est fréquemment arrivé que des individus, ne pouvant, dans ces solitudes, se mettre à l’abri de ce vent, ont péri asphyxiés. Cet effet mortel paraît dû à des miasmes méphitiques que les courans d’air entraînent en passant sur des lieux infectés de matières délétères. On croit pouvoir attribuer cette propriété malfaisante à des sources de bitume qui se trouvent dans les déserts de l’Arabie et de la Mésopotamie ; on conçoit que des puits où cette matière se trouve en fusion, presqu’en ébullition, sous les rayons ardens du soleil de cette latitude, il s’exhale des vapeurs qui puissent causer l’asphyxie.

La ville elle-même a très peu d’importance ; elle présente le même aspect que toutes celles de la Perse. Elle est placée sur une petite éminence qui s’élève sur une pointe de la côte, et forme comme une espèce de presqu’île. Son plan est celui d’un triangle, dont deux faces se présentent à la mer qui les baigne, et dont la troisième, du côté de terre, est formée par une muraille autrefois fortifiée. La monotonie des lignes que dessine ordinairement la silhouette des villes de Perse est rompue ici par les palmiers dont les panaches flottent au-dessus des terrasses. Bouchir présente encore quelque chose de particulier, c’est un nombre considérable de ventouses qui s’élèvent au dessus des maisons et servent à leur donner de l’air intérieurement ; on les appelle badjir. Ces ventouses ressemblent à des cheminées, mais elles