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flèche apparaissait comme un phare aux navires qui arrivaient en Europe chargés des riches cargaisons de Java. Devant le morne aspect d’Anvers, l’esprit se reporte involontairement à une autre ville, comme elle reine jadis et comme elle déchue. Nous voulons parler de Venise. À côté de l’ancienne reine de l’Adriatique s’élève Trieste, qui lui a enlevé cette couronne dont elle était si fière ; c’est dans Trieste que le gouvernement autrichien a transporté la splendeur de la ville des doges. Le gouvernement néerlandais, avait été plus généreux pour Anvers ; il avait fait renaître et maintenu pendant quinze ans dans la ville flamande, au préjudice de Rotterdam et d’Amsterdam, une prospérité dont cette grande cité avait perdu le souvenir. C’est là, pour Guillaume Ier, un titre de gloire que les torts de son gouvernement vis-à-vis des provinces belges n’auraient pas du leur faire oublier.


II. – LE ROYAUME DES PAYS-BAS APRES LA REVOLUTION BELGE. – CRISE FINANCIERE.

Après les événemens de Bruxelles, le roi Guillaume avait le choix entre trois politiques. Il pouvait, en faisant droit aux griefs des provinces méridionales, chercher à y calmer les esprits ; il pouvait, en reconnaissant l’indépendance belge comme un fait accompli, essayer d’en retirer le plus d’avantages possibles ; il pouvait enfin refuser toute espèce de concession, et tenter de ramener par la force les populations insoumises. Le pays s’était prononcé successivement en faveur du premier et du second parti ; Guillaume s’arrêta au dernier.

La Hollande se réjouissait de voir enfin se briser cette alliance forcée, cette union factice, gênante pour les deux pays, mais surtout pour le royaume néerlandais, qui avait été constamment réduit à négliger ses propres intérêts. Amsterdam et Rotterdam voyaient avec satisfaction se relever les barrières qui avaient tenu l’Escaut fermé pendant cent cinquante ans. On entendait dire souvent dans ces villes qu’à ce prix Amsterdam seule déposerait volontiers cent millions de florins sur l’auteur de la patrie. Il s’agissait cependant de s’entendre avec l’Europe sur la conduite à tenir dans une question qui intéressait si directement son équilibre. Le prince d’Orange, nous l’avons dit, s’était rendu à Londres pour y consulter les quatre puissances signataires des traités de 1815. Dès ses premiers pas, il y rencontra des dispositions peu favorables.

La première en 1815, l’Angleterre avait mis en avant l’idée du royaume-uni des Pays-Bas, dans l’intention d’en faire une tête de pont sur le continent, un entrepôt des marchandises britanniques ; mais elle avait changé brusquement de politique lorsque l’industrie belge, alimentée par les capitaux Hollandais, appuyée sur les vastes opérations de la Société de commerce, en était venue à lui causer plus d’alarmes encore que jadis le commerce hollandais lui-même. Elle travailla donc