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confusion, deux ou trois chevaux furent frappés, deux chasseurs grièvement blessés. Notre coup de main n’en avait cependant pas moins réussi, et, tandis que l’infanterie rassemblait les troupeaux avec quelques prisonniers, les chasseurs continuaient la chasse, poursuivant les fuyards dans les ravines, attaquaient les tentes placées sur le second plateau, et, descendant les pentes à fond de train, s’acharnaient après les cavaliers qui essayaient de se dérober à leurs coups. Mais l’on était loin déjà, les clairons de la compagnie envoyée pour appuyer les chasseurs avaient sonné la retraite; l’audace ne supplée pas toujours au nombre : le trompette répéta le ralliement, et la petite troupe vint en bon ordre prendre position sur le plateau auprès de l’infanterie.

Les coups de fusil avaient fait monter à cheval un grand nombre de cavaliers des Sbéahs. Ils accouraient de tous côtés; on voyait du petit mamelon où nous avions fait halte leur silhouette se dessiner sur les arêtes dénudées. Réunis en groupe, ils semblaient se consulter; le commandant avait envoyé des postes en grand’garde, et, pendant que l’on pansait les blessés, il interrogeait les prisonniers. D’après leurs réponses, le Bou-Maza, la veille au soir, avait reçu la diffa dans ces douars. Vers onze heures, il était parti pour traverser de nuit la vallée du Cheliff et gagner le Dahra. Ses cavaliers seuls l’avaient accompagné, et les gens des Sbéahs, venus pour lui faire honneur, étaient restés en arrière par son ordre. — Cette tribu des Sbéahs a presque toujours été composée des plus hardis coquins de l’Afrique. Même au temps des Turcs, il n’y avait pas de mécréans pareils, et parmi eux se conservait l’usage de remettre le paiement des dettes à l’époque où le bey passait dans la vallée du Cheliff pour porter le tribut au pacha d’Alger. Jamais le Turc ne traversait ce passage sans y laisser des chevaux ou des mules qui réglaient les comptes. Quand les Français vinrent, il fallut égrener les Sbéahs, si l’on peut parler ainsi, avant de les mater, et les razzias sans cesse répétées purent seules en venir à bout.

Lorsque la petite colonne reprit le chemin du Khamis. emmenant nos prisonniers, les drôles nous firent voir qu’ils savaient jouer de la poudre, et les fusils de leurs cavaliers, s’abattant dans notre direction, nous envoyèrent des balles. pour éviter des blessures inutiles, le commandant, profilant des larges ondulations du terrain, ordonna au peloton de chasseurs d’établir le va-et-vient à l’extrême arrière-garde avec une compagnie de la légion. L’infanterie quittait la position tranquillement, sans se presser, car la chaleur était accablante, et les chasseurs formant la ligne de tirailleurs tenaient bon. Quand les fantassins occupaient une position nouvelle, ils se repliaient au galop. Les cavaliers ennemis arrivaient aussitôt, mais ils trouvaient toujours des balles pour les arrêter. Par ce moyen, maintenus toujours à de grandes