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deux nouveaux venus, deux montagnards en guenilles. Tout à coup je l’entendis appeler son nègre Einbarek, et lui donner l’ordre d’amener son cheval.

— Où vas-tu? lui dis-je; tu ne pars d’ordinaire qu’à la nuit.

— Ces hommes m’ont appris que la bénédiction de Dieu m’envoyait des hôtes, et j’ai hâte de les recevoir.

— En ce cas, adieu, et que le bien soit sur toi!

Nous levant alors, nous touchâmes l’extrémité de ses doigts en portant ensuite notre main à la bouche, selon l’usage de la politesse arabe, et nous sortîmes avec les cavaliers qui avaient chaussé leurs longs éperons de fer et se préparaient à suivre leur chef.

— Gageons, dis-je à Moore, que le vieux coquin vient d’apprendre une nouvelle qui lui rendrait la rencontre du commandant désagréable. Il se sauve pour l’éviter.

— Je n’en serais pas étonné, me répondit-il; l’un de ces déguenillés est un homme des Sbéahs, que déjà j’ai vu plusieurs fois avec lui.

Je le questionnai sur cet homme, dont les grands yeux noirs et le nez aquilin, semblable à celui d’un aigle, m’avaient frappé; mais le planton de service nous interrompit en venant me chercher de la part du commandant, et je m’éloignai sans que ma curiosité fût satisfaite.

— Combien avez-vous de chevaux disponibles"? me dit le commandant Manselon, dès qu’il me vit.

— Il n’y a eu aucun accident depuis ce matin, lui répondis-je, et la situation en portait vingt-cinq. Hommes et chevaux sont tous en état de marcher.

— Votre peloton, reprit-il, sera en armes à dix heures et demie, emportant seulement de l’orge et des vivres pour un repas. Mes espions m’apprennent que le Bou-Maza couche ce soir à six lieues d’ici, chez les Sbéahs. où la diffa lui est donnée. L’impudence est trop forte; je veux demain, au lever du soleil, lui souhaiter moi-même le bonjour. Si nous n’avons pas la chance de le saisir, au moins nous châtierons ces drôles. Avez-vous vu Mohamed-bel-Hadj?

— Il retourne à l’instant chez lui. Je crois même que la venue d’un homme des Sbéahs, avec lequel il s’est entretenu, l’a fait partir plus promptement.

— Ce vieux coquin sera toujours le même, reprit en riant le commandant; toujours il nagera entre deux eaux. Dans la crainte de m’accompagner, si je me décidais à marcher, il s’est sauvé sans m’avertir de la présence du Bou-Maza. J’en suis bien aise; il aurait été capable de faire manquer le coup de main, tant il tient à ménager tout le monde. Vous n’avertirez vos chasseurs que vingt minutes avant l’heure du départ. Il peut y avoir des rôdeurs aux environs du camp, et je ne