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choisir en Italie. » Il ne reste aujourd’hui que bien peu de vestiges de cette ancienne magnificence. L’Imperiale, après avoir servi de maison de retraite aux jésuites portugais chassés par le marquis de Pombal, est devenue une métairie, et l’état de dégradation où se trouve la somptueuse villa des ducs d’Urbin contraste étrangement avec l’inscription qui les invite encore à « s’y reposer de leurs fatigues à l’abri de la poussière et du soleil. » Un autre palais, édifié dans la ville même de Pesaro, et qui. depuis la réunion du duché aux états de l’église, est occupé par les cardinaux légats, a gardé plus de traces du luxe presque royal de la famille della Rovere. Le souvenir de François-Marie ne s’y rattache pas aussi directement que celui de ses successeurs : on ne saurait oublier cependant que ce prince passa quelque temps dans cette demeure, et qu’il y mourut à peine âgé de quarante-huit ans.

Les historiens ont attribué cette mort au poison, et Pierre-Louis Farnèse et Louis Gonzague ont été tour à tour l’objet de leurs accusations. Tous deux cherchaient à se venger du duc et n’étaient pas hommes à se montrer fort scrupuleux sur l’emploi des moyens : il se peut qu’ils aient été les instigateurs du crime; mais ce fut un troisième qui se chargea de l’exécution. Un barbier mantouan, que François-Marie avait depuis peu à son service, introduisit le poison dans l’oreille, et, au bout de quelques jours de souffrances cruelles, la victime expirait sous les yeux mêmes du meurtrier. Le corps, revêtu d’une riche armure et du manteau ducal, fut exposé dans une salle du palais où l’on avait réuni en trophées les armes et les drapeaux enlevés autrefois à l’ennemi; puis on le transporta à Urbin en grande pompe, et, les cérémonies des funérailles terminées, chacun prêta serment de fidélité au nouveau duc.

Guidobaldo II, fils et successeur de François-Marie, n’hérita qu’en partie des qualités militaires de son père et des qualités d’un autre ordre qui avaient distingué les princes de la maison de Montefeltro. Son règne, qui ne dura pas moins de trente-six ans, aurait été d’ailleurs exempt de vicissitudes comme il fut dépourvu de gloire, si une grave rébellion. suscitée à Urbin par la création d’un impôt, n’était venue tout à coup en suspendre la tranquillité et le cours un peu monotone. Le duc, disent les historiens, ne déploya pas seulement en cette occasion une énergie qu’aucun de ses actes précédens n’avait permis de soupçonner, mais que la défense de ses droits rendait nécessaire; il exerça des rigueurs inutiles auxquelles on s’attendait encore moins, et poursuivit sa vengeance bien au-delà de la justice. Même après la complète soumission de la ville, il dépouilla les femmes et les enfans des rebelles qu’il avait fait mettre à mort; il voulut que les cadavres fussent jetés pêle-mêle dans une terre non consacrée, et l’évêque de Pesaro, qui avait demandé pour eux une sépulture chrétienne,