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Toscane et de la Marche d’Ancône à Rimini. La maison de Montefeltro, qui régna la première sur ce petit état, tirait son origine des comtes de Carpegna, devenus, vers le milieu du XIIe siècle, comtes de Montefeltro. Dans le siècle suivant, les comtes de Montefeltro ajoutèrent à ce titre celui de comtes d’Urbin, et l’un d’eux, le comte Guido, fut au nombre des plus célèbres guerriers de son époque. Chef du parti gibelin en Romagne, il avait acquis au dehors une si grande réputation militaire, que les Pisans s’adressèrent à lui pour repousser les Guelfes de Florence et de Lucques, et n’hésitèrent pas à le déclarer seigneur de leur ville, afin de s’assurer sa protection. Guido exerça trois ans cette autorité souveraine, et l’on a conjecturé quelquefois qu’Ugolin subit son terrible supplice pendant la durée de sa seigneurie. Cependant ni Villani, ni Dante ne mêlent le nom du comte de Montefeltro à ceux des persécuteurs d’Ugolin, et le silence du poète est surtout significatif : on ne saurait l’attribuer à un excès d’indulgence. Puisqu’un chant tout entier de l’Enfer consacre la mémoire des forfaits de Guido, il est permis de supposer, en n’y voyant pas figurer celui-là, que le comte n’y eut point de part, et l’on a bien assez, en ce qui le regarde, des accusations formelles, sans y joindre, par surcroît les soupçons.

Après la paix que ses exploits avaient value aux Pisans, Guido, de retour à Urbin, s’était réconcilié avec le pape. Deux fois excommunié, il avait fini par se montrer fils soumis de l’église, et, de peur de rechute, il s’était retiré dans le couvent de franciscains récemment fondé à Assise. Il y faisait pénitence de sa vie passée, lorsque Boniface VIII envoya ses troupes assiéger Palestrine. pour réduire une place aussi forte, le pape avait besoin des conseils d’un homme expérimenté. Il vint trouver le vieux moine de Montefeltro, et, tout en sollicitant le secours de ses lumières, il commença par lui accorder l’absolution de ce retour vers les pensées mondaines, mesure prudente, et qui leva si bien les scrupules de Guido, qu’au lieu d’un moyen stratégique il en indiqua deux : l’assaut pendant la nuit, ou, ce qui lui semblait plus sûr, les promesses frauduleuses. Des deux avis, Boniface préféra le second. Palestrine se rendit sur la foi de conventions que le pape se garda bien de respecter, et Guido put s’applaudir d’un succès qu’il avait préparé du fond de son cloître; mais, dix ans plus tard, Dante immortalisait le crime et les complices, maudissant à la fois « le prince des nouveaux pharisiens » et ce fils de saint François, qui avait. « comme le renard, pratiqué toutes les ruses et connu toutes les voies couvertes. »

Pendant plus de cent années, l’histoire des descendans de Guido n’offre qu’une succession de troubles et de luttes tantôt avec les légats des papes, tantôt avec les seigneurs de Rimini. Dépossédés de leurs fiefs, les comtes de Montefeltro ne les recouvrent qu’à la fin du XIVe siècle. Enfin, vers 1443, le comte Odd’Antonio reçoit du saint-siège le titre de duc d’Urbin. Ce prince, qui ne signala sa courte vie que par des