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qu’aucune autre; il n’en est pas qui ait plus puissamment dirigé la marche de la civilisation moderne en Italie: si heureux toutefois qu’aient été ses efforts. il ne faut pas y voir une impulsion isolée, et l’on serait aussi peu autorisé à réclamer pour les Médicis le monopole du goût et des encouragemens efficaces qu’à leur refuser le premier rang parmi les protecteurs des arts. À leur suite, sinon à côté d’eux, il est juste de placer plusieurs seigneurs des états voisins de la Toscane, et les princes des deux dynasties qui régnèrent sur le duché d’Urbin sont peut-être ceux qui présentent le plus de titres et les droits les mieux établis.

Au milieu des troubles auxquels l’Italie fut livrée depuis le XVe siècle jusqu’au XVIIe troubles qu’ils ne suscitèrent jamais, dont ils furent quelquefois les modérateurs et souvent les victimes, les ducs d’Urbin se transmirent, comme une tradition héréditaire, l’amour des lettres, des sciences et de tous les travaux de l’esprit. Quelques-uns d’entr’eux ajoutèrent à ces nobles inclinations la gloire militaire : tous gouvernèrent leur peuple avec sagesse et loyauté. Cependant, malgré tant de souvenirs honorables attachés à leurs noms, les ducs d’Urbin n’avaient pas trouvé d’historien. Même dans leur pays, il ne s’était rencontré que quelques biographes, et les travaux, très recommandables d’ailleurs, de Muzio, de Leoni, de Baldi, ne nous font guère connaître que quelques pages de l’histoire des maisons de Montefeltro et della Rovere. Il appartenait à un écrivain étranger de nous la donner complète. À force de soins et de recherches patientes, M. Dennistoun a réussi à rassembler les documens épars dans une multitude de livres ou dans des manuscrits ignorés, et il en a composé, sous le titre modeste de Mémoires, une véritable histoire des ducs d’Urbin.

Bien que les événemens politiques auxquels ces princes se trouvèrent mêlés aient surtout préoccupé M. Dennistoun et constituent le fond même de son livre, les détails relatifs à des événemens d’un autre ordre y tiennent encore assez de place pour mettre en relief sous tous ses aspects l’influence exercée sur l’Italie par les cours d’Urbin et de Pesaro. M. Dennistoun a donc fort élargi une voie à peine frayée par ses prédécesseurs. Si nous évitons de l’y suivre pas à pas en la parcourant à notre tour, si nous insistons sur plusieurs points qu’il a voulu seulement reconnaître, c’est que nous nous proposons de ne juger dans l’histoire des ducs d’Urbin que les faits où les arts et les lettres se trouvent directement intéressés; nous ne ferons qu’analyser les autres sans prétendre les examiner tous, et seulement pour rendre intelligibles certaines circonstances qui se rattachent à la vie ou aux travaux des écrivains et des artistes. S’il s’agissait des Médicis. un pareil procédé ne serait pas de mise. Les moyens dont ils usèrent pour établir leur domination, leurs intrigues pour l’étendre on la consolider, tout, jusqu’aux guerres qu’ils entreprirent, est si intimement lié à leur action sur l’art italien, qu’il semble impossible de séparer leur rôle de