Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 12.djvu/392

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sa renommée de notre fanatisme pour l’empereur, qui n’avait pas le droit de lui demander, à ce qu’il paraît, d’être égale à son destin. L’impression qui résulte d’un tel ensemble ne peut point être celle de la mâle gravité de l’histoire ; c’est l’impression d’une course lyrique, épique, romanesque, à travers les événemens. Quand il s’agit d’un temps lointain qui se perd dans une confusion demi-fabuleuse, ce procédé d’idéalisation et de transfiguration, sans être meilleur, s’explique du moins par le caractère légendaire des choses auxquelles il s’applique. Quand il s’agit d’une époque toute voisine, contemporaine même, et sur laquelle les données réelles, les témoignages vivans abondent, — d’une époque toute positive et livrée au soin de reconstruire avec les débris de tous les régimes un régime mesuré, sensé, pratique, où tous les intérêts aient leur place, — quand il s’agit enfin de personnages comme Napoléon et Marie-Louise, comme Louis XVIII et M. de Talleyrand, M. de Richelieu et M. de Villèle, peut-être reconnaîtra-t-on qu’aux inconvéniens déjà propres à une telle manière d’écrire l’histoire, il s’en joint d’autres qui tiennent à la nature du sujet même. La restauration a été une époque à beaucoup d’égards sacrifiée. Jetée entre une ère d’héroïsme militaire pi-esque surhumain, de gloire immortelle, et une époque où nous, générations nouvelles, nous nous étions accoutumés à voir la révolution française, dans ses résultats bienfaisans, définitivement arrêtée et fixée, la restauration a eu le malheur de commencer comme un abaissement d’abord, de ne point réussir ensuite, et elle a eu à essuyer les récriminations et les injustices de tous les bords. Elle mérite aujourd’liui d’être étudiée et peinte autrement qu’avec des déclamations, des préjugés et des antipathies vulgaires de parti ; elle mérite cette attention non-seulement parce que beaucoup parmi les hommes qui y ont figuré étaient d’honnêtes gens agissant sincèrement dans ime pensée de bien public, mais encore parce que, pouflqui sait méditer, ces quinze années sont pleines de lumières et d’instructions. Seulement ce n’est qu’avec beaucoup d’exactitude, une grande fermeté de jugement, une impartialité calme, appuyée sur une conscience parfaitement assurée et un sentiment très développé des nuances, que cette étude peut devenir féconde, et c’est en tout cela que M. de Lamartine pèche le plus dans son Histoire de la Restauration. Un des côtés caractéristiques de ces premiers récits, c’est une haine invétérée, invincible, qui perce contre Napoléon. M. de Lamartine a pardonné dans ses histoires à beaucoup de monstres, et a jeté même sur eux parfois l’éclat de ses réhabilitations : il ne pardonne pas à l’empereur ; il tombe à son égard dans de véritables puérilités de peinture injurieuse ; il fait passer dans son éloquence les plus ridicules commérages de l’histoire. Je me suis demandé d’où pouvait provenir cette haine : est-ce le poète de la restauration, autein* de l’ode sur Bonaparte, qui parle encore par la bouche de M. de Lamartine ? est-ce l’amant fraîchement enflammé de la république ? En y réfléchissant, je m’explicjue cette antipathie par une autre cause : c’est la haine naturelle et simple de l’idéologue, de l’imagination chimérique, contre l’homme qui représente la plus grande réalité de ce siècle, à moins que, dans ces tentatives réitérées pour décrier une illustre mémoire, il ne faille voir un calcul, comme on l’assure. M. de Lamartine en efiel entreprenait récemment, dans ses publications quotidiennes, de prouver au peuple qu’en se rattachant dans les