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la Belgique et prendre une des premières places dans l’école belge, est au contraire un artiste essentiellement original et hardi. Sa puissance de conception est très grande, et ses compositions, semblables par l’étendue à celles de Van-Artois et de Huysmans, sont remarquables par l’énergie du style et par l’ampleur de la forme. L’imagination de M. Kuyttenbrouwer est riche et fournit à son pinceau les sujets les plus variés. Il cherche, cherche ton jours et rencontre souvent bien. Les personnages, effroi de presque tous les paysagistes belges, sont traités par lui avec une heureuse facilité, et parfois ils ont dans ses compositions une importance égale à celle du paysage. Avec ces belles qualités, M. Kuyttenbrouwer a peu à faire pour acquérir une réputation européenne : on s’étonne, en voyant ses toiles, d’y trouver une signature aussi étrangement hollandaise. M. Kuyttenbrouwer, en effet, n’est Hollandais que de nom; sa fougue, sa hardiesse, son originalité, le classent parmi les paysagistes les plus excentriques de l’école française.

Le talent de M. Ed. Devigne (de Gand) est tout l’opposé de celui de M. Kuyttenbrouwer. M. Devigne est un artiste froid, correct, minutieux, n’oubliant rien, ne dédaignant rien, ni la pierre ni le brin d’herbe, et traitant tout avec le même soin, lointains ou premiers plans. Les tableaux de M. Ed. Devigne sont estimés, et ne sont pas indignes de l’être. M. L. Kulmen, de Bruxelles, n’a connu, depuis ses débuts, que de paisibles succès. La place honorable à laquelle est arrivé ce peintre, peu contesté par la critique, équivaut à celle qu’occupent en France M. Lapito, à Genève M. Diday, en Hollande M. Koekkoek. Satisfait du succès qu’il obtient, M. Kuhnen innove peu et se répète souvent. Ses tableaux ont de la poésie. Il peint d’ordinaire des levers ou des couchers de soleil, de fraîches et vertes solitudes, avec des eaux dormantes, couvertes de nymphœas et de nénuphars, où se reflètent les nuages et l’azur du ciel. Le calme de la nature convient à son talent. Il a peint un Orage, et il a moins bien réussi.

M. Böhm, d’Ypres, est un paysagiste converti à l’école française; il a néanmoins conservé quelque chose de flamand. C’est un peintre de mérite, qui n’a d’autre défaut que de manquer un peu d’imagination. On en douterait, s’il se bornait à exposer un ou deux tableaux; mais il en fait voir six, et l’on ne peut s’empêcher de trouver qu’ils se ressemblent trop, bien qu’ils soient tous jolis, et qu’on y sente l’inspiration de Corot, de Dupré et de Fiers. M. Bossuet, de Bruxelles, n’est pas, à proprement parler, un paysagiste; c’est un peintre de monumens et d’intérieurs de villes. Il y a quelques années. M. Bossuet est allé en Espagne; depuis son retour, il n’expose plus que des vues de Séville, de Grenade et de Tolède : ce sont des tours arabes, des portes sarrasines, des atalayas moresques. La manière savante de M. Bossuet, son exactitude et la fidélité de sa copie donnent à ses tableaux un immense intérêt