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œil triste le vol des hirondelles ; l’Amour de l’or, figuré par un vieillard dont les doigts avides se plongent dans un amas de louis ; enfin la Rencontre, par des bourgeois et des manans, du corps d’un royaliste assassiné par les ligueurs, sont des tableaux remarquables, gages certains de l’avenir de M. Alfred Stevens, qui, presque inconnu hier, se place tout d’un coup parmi les meilleurs.

Nous n’en avons pas fini encore avec les peintres de genre. M. Hamman, d’Ostende, est maintenant plus connu à Paris qu’à Bruxelles : son tableau, les Adieux de Roméo et Juliette, a obtenu au dernier salon un succès mérité ; on a pu critiquer l’ensemble de la composition, mais on a dû admirer sa Juliette, dont la pose est d’un ravissant abandon. M. Hunin, de Malines, a été autrefois l’émule de M. Hamman ; ses progrès sont peu sensibles, et, dans la toile qu’il a exposée, le Tirage à la conscription, rien ne parle à l’ame ni aux yeux. M. L. Taymans, de Bruxelles, n’est guère connu et mériterait de l’être ; peu d’artistes belges ont autant de noblesse et de distinction ; sa couleur manque d’éclat, mais non pas d’harmonie. M. Al. Thomas, qui, en raison de ses deux tableaux, Judith et les Enfans d’Edouar, aurait dû être classé parmi les peintres d’histoire, fait preuve, dans la seconde de ces compositions, d’un talent solide, qu’on cherche en vain dans sa Judith. M. Ad. Dillens a de l’esprit et de la verve. M. Fissette, d’Anvers, n’a pas eu, lui, dans ses Plaideurs, empruntés à Racine, autant d’esprit qu’il en voulait avoir. M. Lies, d’Anvers, transforme et agrandit son style : dans l’Interrogatoire de Jeanne d’Arc, deux têtes sont fort belles ; mais celle de Jeanne d’Arc est faiblement comprise. Si M. Lion n’était de Bruxelles, on le dirait élève de M. Leys, tant l’imitation, du reste assez bien réussie, de la manière de M. Leys est évidente dans la Réunion d’une confrérie au Franc de Bruges. M. Madou, coloriste gris et froid, est un peintre spirituel et observateur, d’un talent original et peu facile à imiter. Les frères Edmond et Charles Tschaggeny sont des peintres d’animaux en renom et d’habiles coloristes ; les Chevaux poursuivis par des loups, de M. Charles Tschaggeny, sont le sujet d’une composition pleine de mouvement, de fougue et de sauvage poésie ; son tableau des Moissonneurs au contraire est une paisible géorgique. M. van Muyden, de Rome d’après le catalogue, mais Belge par son nom, a peint une Famille de paysans d’Albano, qui est une des belles choses du salon, tant il y a dans le faire d’aisance et de naturel, tant les personnages en sont vrais sans être communs, expressifs sans être affectés. Quant à M. Wittkamp, d’Anvers, c’est un maître qui n’a pas le brillant coloris de M. Wappers et de M. de Keyser, ni la hardiesse de M. Slingeneyer, mais qui joint aux qualités les plus fortes et les plus justement prisées l’art de toucher et d’émouvoir, qui est l’essence et le but de l’art. MM. Brüls, de Braekkeler, Victor Delacroix, Dell’aqua, de Taeye, V. Eeckhout, P. Du-