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Je ne suis pas une solide porte, je n’ai pas résisté. Pendant que je gardais tes trésors cette nuit, un trésor m’a été enlevé. »

Ainsi parle en riant la princesse, et elle danse par la chambre, et femmes et eunuques se remettent à éclater de plus belle.

Le même jour, tout Memphis riait; les crocodiles eux-mêmes dressaient en riant leurs têtes hors des eaux jaunes et limoneuses du Nil.

Lorsque le tambour tout à coup retentit à leurs oreilles, et ils entendirent le rescrit suivant, lu sur le bord par le crieur de la chancellerie :

Rhampsénit, par la grâce de Dieu roi d’Egypte et des Égyptiens, à ses très féaux et très chers sujets, salut et amitié.

Dans la nuit du trois au quatre juin de l’année treize cent vingt-quatre avant la naissance du Christ,

Un voleur détourna de notre trésor une masse de bijoux; plus tard encore il réussit à nous voler.

Afin de connaître l’auteur du vol, nous fîmes coucher notre fille auprès du trésor, et le rusé la vola aussi.

Pour arrêter un tel brigandage, et en même temps pour témoigner au voleur notre sympathie, notre vénération et notre amour.

Nous lui donnons notre fille unique pour épouse, nous relevons à la dignité de prince et le désignons comme successeur de la couronne.

L’adresse de notre gendre ne nous étant pas connue jusqu’à ce jour, ce rescrit lui apprendra la grâce que nous lui accordons.

Fait le trois janvier treize cent vingt-six avant la naissance du Christ. Signe par nous, Rhampsénit, roi. »

Rhamjjsénit a tenu parole; il a pris le voleur pour gendre, et le voleur, après la mort du roi, a hérité de la couronne d’Egypte.

Le voleur régna comme les autres, il protégea le commerce et les talens; tant qu’il fut roi, on vola très peu, dit l’histoire.


L’ELEPHANT BLANC.

Le roi de Siam Mahavasant gouverne la moitié du pays des Indes; douze rois, le Grand-Mogol lui-même, sont tributaires de son sceptre.

Tous les ans, au milieu des tambours, des fanfares et des bannières, arrivent à Siam les caravanes des redevances; des milliers de chameaux à la bosse orgueilleuse transportent péniblement les plus précieux produits de l’empire.

A la vue des chameaux lourdement chargés, l’ame du roi étincelle d’une joie secrète, tandis qu’il se lamente à haute voix de ce que l’espace manque dans son garde-trésors.

Et cependant si vaste, si spacieux, si magnifique est le garde-trésors, que la splendeur de la réalité éclipse ici toutes les féeries des Mille et une Nuits.