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millions de francs, chiffre supérieur à celui des recettes de douane de la métropole.

Nous venons de résumer aussi brièvement que possible, et en négligeant certains points de détail, les lois du 8 août 1850; nous avons successivement apprécié les mesures les plus importantes : y avons-nous trouvé des réformes radicales? La Hollande s’est-elle sentie tout d’un coup subjuguée par de nouvelles doctrines? a-t-elle, pour l’amour d’un principe théorique, bouleversé sa législation et compromis sa prospérité? Non assurément. Sans diminuer le mérite des modifications que le gouvernement des Pays-Bas a jugé utile d’apporter à sa politique commerciale, nous sommes en droit de remarquer que, dans les colonies, l’application du libre échange sera, en définitive, très restreinte, et que, dans la métropole, la suppression des droits différentiels, qui semblaient protéger le pavillon national, n’altérera point d’une manière sensible le régime précédemment en vigueur. Après avoir examiné les mesures qui favorisaient la navigation hollandaise et démontré combien la protection était faible et même « insignifiante, » l’exposé des motifs annexé aux projets de loi reconnaissait « qu’un pareil système pouvait être supprimé sans secousse trop dangereuse et être remplacé par une assimilation complète, parfaite, du pavillon étranger au pavillon national. » Voilà le mobile très avouable du libéralisme hollandais. Il est vrai que, dans le même document, on remarque de chaleureuses invocations au principe de la liberté du commerce, et que le ministre des finances, M. van Bosse, y déplie avec enthousiasme le drapeau du libre échange, en traitant fort dédaigneusement « les systèmes d’exclusion inventés par une politique commerciale étroite et timide; » mais cette généreuse profession de foi perd beaucoup de son prix, si l’on réfléchit qu’elle n’impose à la Hollande aucun sacrifice sérieux, puisque la protection n’y existait plus, avant 1850, que nominalement.

En un mot, les Pays-Bas ne sont entrés, à la suite de l’Angleterre, dans les voies du libre échange maritime qu’après s’être bien convaincus qu’ils obéissaient non pas aux ordonnances de la science économique, mais aux conseils de leur véritable intérêt. Ils ont agi sagement; ils voudraient, de plus, avoir accompli une grande œuvre; ils voudraient qu’on leur tînt compte d’un hommage rendu au principe de la liberté. Ce serait trop exiger : que les Pays-Bas se contentent d’une gloire plus modeste; que la sagesse leur suffise : par le temps qui court, c’est le plus bel éloge que l’on puisse adresser à une nation.