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marchandises transitant par la Hollande était, en 1818, de 45 millions de florins, soit du quart des importations générales, et que le transport de ces produits représentait plus de deux cent mille tonneaux. Le sucre, le café, le tabac, figurent au premier rang dans le chiffre du transit. La Hollande trouve ainsi dans les pays qui l’avoisinent un vaste débouché pour les produits de ses possessions, et ces produits sont transportés presque exclusivement sous pavillon national; mais, depuis quelques années, ces bénéfices lui sont vivement disputés par la concurrence des ports belges, notamment par celle d’Anvers, dont les relations avec le centre de l’Allemagne sont devenues fort actives. Les communications rapides établies par les chemins de fer ont été plus avantageuses à la Belgique qu’à la Hollande. Celle-ci se voit donc nécessairement amenée, pour soutenir la concurrence, à diminuer autant que possible les frais de transport. L’abolition des droits de transit et la suspension des péages sur le Rhin et l’Yssel lui étaient commandées par un intérêt de premier ordre, auquel le gouvernement a sagement fait d’obéir. D’ailleurs, au point de vue financier, le sacrifice n’est point considérable; le montant des perceptions annuelles ne dépassait pas 300,000 fr. Restent les péages de la Meuse, qui ont été fixés par une convention conclue en 1843 avec la Belgique; le ministre des finances a annoncé qu’il négocierait avec le cabinet de Bruxelles pour convenir de leur suppression.

Les efforts tentés par la Hollande pour conserver et développer son transit doivent nous servir d’enseignement. En 1850, les chiffres du transit de la France se sont élevés, en poids, à 320,000 quintaux métriques de marchandises, et, en valeur, à 235 millions de francs. L’Allemagne y figure pour une part relativement peu considérable, et cependant les produits transatlantiques pourraient emprunter notre territoire pour gagner le centre de l’Europe. Nous avons aboli tous droits de transit; mais la navigation de nos fleuves et de nos canaux, malgré les améliorations accomplies sous le dernier règne, est encore trop coûteuse; le chemin de fer de l’est, qui doit relier le Havre à Strasbourg, n’est point achevé, en sorte que l’infériorité de nos voies de communication permet à la Belgique et à la Hollande d’attirer dans leurs ports une partie des marchandises qui appartiendraient plus naturellement à notre transit. Il ne faut donc pas perdre de vue cette concurrence incessante que l’activité des peuples voisins et la sagesse de leurs gouvernemens opposent au développement de notre prospérité industrielle et commerciale. En matière de transit, on ne peut lutter que par la facilité et l’économie des moyens de transport; la Hollande a compris la nécessité de se défendre contre la Belgique, en même temps elle tente de prendre l’avance sur nous. Dans cette situation, qu’il était aisé de prévoir, le prompt achèvement de la ligne de Strasbourg devient pour la France une nécessité impérieuse.