Page:Revue des Deux Mondes - 1851 - tome 12.djvu/32

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans les commencemens de l’institution est quelque chose de factice et de frivole. « On ne saurait croire, dit-il, combien la petite vanité d’être armé, d’avoir l’uniforme, de jouer le rôle de militaire, de se faire distinguer, d’obtenir un commandement, et surtout une espèce d’impunité, a contribué à rendre les têtes françaises révolutionnaires. »

J’ai exposé le plan de Mirabeau et j’ai indiqué les principales mesures d’exécution qu’il conseillait : point de contre-révolution ; une royauté qui date de 1789 ; réviser la constitution, ou plutôt faire une contre-constitution, et la faire avec une assemblée qui ne résidera pas à Paris ; ne pas laisser le roi à Paris, mais ne pas l’en faire sortir de nuit et timidement comme un prisonnier qui s’évade ; ne point quitter la France et ne pas se faire émigré ; risquer la guerre civile, s’il le faut, guerre affreuse, mais moins affreuse encore que les massacres populaires, et qui est peut-être le moyen de les éviter ; pour faire cette guerre, avoir dans l’armée des corps qui soient dévoués et des généraux prêts à agir au jour marqué ; surtout ne pas se confier en la garde nationale de Paris et en son chef, « parce qu’aucun général nommé par la multitude ne sera jamais obéi, et que le peuple croira toujours rester le maître de celui qu’il aura seul choisi pour le commander. » Tel est le plan de Mirabeau. Quels furent les obstacles qui s’opposèrent à son exécution ?

J’en ai déjà indiqué quelques-uns, la faiblesse et l’indécision du roi, le peu d’influence réelle de la reine, l’esprit d’anarchie qui soufflait partout, la frénésie démagogique de Paris, les erreurs, les passions, les défiances de l’assemblée. Il est un obstacle aussi que je dois indiquer en finissant, c’est Mirabeau lui-même, sa fougue et ses inconséquences. Ces derniers traits achèveront de peindre Mirabeau et feront mieux comprendre en même temps combien il était difficile alors de sauver le roi et la France : difficile, non à cause des passions des hommes, et parce qu’alors, comme toujours, ceux même qui voulait le bien n’y voulaient rien sacrifier de leur intérêt ou de leur vanité. Mirabeau voulait sauver le roi et la reine, j’en suis très profondément convaincu ; mais il voulait être le seul sauveur, et toutes les fois que, par faiblesse ou par méfiance, on s’écartait du plan qu’il conseillait, il se croyait libre lui-même de ne pas le suivre ; il cessait trop aisément d’être monarchique le jour où la monarchie ne faisait pas ce qu’il voulait qu’elle fît. Or ce n’est pas vouloir le bien que de vouloir qu’il ne se fasse que par nous, et on n’aime véritablement sa cause et son parti que lorsqu’on l’aime dans les succès d’autrui. Je sais bien que Mirabeau, conseiller secret de la cour et l’un des chefs parlementaires de la révolution, avait un rôle d’officier à tenir ; mais ses passions le lui rendaient