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entrepôts d’Amsterdam et d’Anvers recevaient la plupart des produits destinés à l’approvisionnement de l’Angleterre. Cromwell, en guerre avec les Pays-Bas, fit voter par le parlement l’acte de 1651, qui, remanié en 1660, sous le règne de Charles II, est demeuré célèbre sous le nom d’Acte de Navigation. La législation indécise, confuse, du moyen-âge, sur laquelle il serait inutile d’insister ici, se trouva dès-lors remplacée par un code homogène, complet, qui garantissait à la marine anglaise une protection énergique, et qui devait successivement servir de modèle à la plupart des nations européennes.

Considéré dans son ensemble, l’acte de 1660 avait pour but : 1° de réserver au pavillon national le cabotage, ainsi que l’intercourse avec les colonies et avec les pays d’Asie, d’Afrique et d’Amérique; 2° de n’admettre pour le transport des principaux produits d’Europe[1] d’autre concurrence que celle du pavillon d’origine. La concurrence, ainsi limitée, n’opposait plus aucun obstacle aux progrès de la navigation anglaise, protégée d’ailleurs par les droits différentiels que le tarif des douanes appliquait, en tous cas, aux marchandises apportées par les navires étrangers.

L’acte de navigation frappait surtout les Pays-Bas. Il prolongea entre l’Angleterre et la Hollande la lutte maritime qui a rempli le milieu du XVIIe siècle, et qui a immortalisé les noms des amiraux Blake et Ruyter. De la part des autres états, il ne provoqua que des représailles; mais la marine anglaise trouvait d’amples compensations dans l’extension de l’intercourse colonial. Quant aux colonies, elles se plaignirent de se voir fermer leurs débouchés extérieurs, et leurs doléances, appuyées par les gouverneurs, devinrent si vives que la couronne consentit à rendre des ordonnances spéciales ajournant l’exécution rigoureuse des clauses qui interdisaient toute relation de commerce entre les colonies et l’étranger; à la fin du XVIIe siècle, la loi était partout en vigueur.

L’Irlande et l’Ecosse ne furent pas, dès l’origine, admises à profiter des faveurs et privilèges concédés par l’acte de 1660 au pavillon anglais. Ces deux pays, pour la navigation comme pour le reste, étaient à cette époque et furent long-temps encore traités en pays conquis. Ils ne pouvaient même se livrer à aucune entreprise, former aucune compagnie, sans exciter l’opposition et les tracasseries jalouses de l’Angleterre. Ce ne fut que lentement, à la suite d’efforts multipliés, de réclamations incessantes, et même de révoltes, qu’ils obtinrent justice.

Apprécié au point de vue de la théorie, l’acte de navigation a été vivement attaqué par les économistes : il proscrivait la concurrence,

  1. Ces produits ou articles énumérés dans la loi avaient été choisis parmi ceux qui, par leur nature encombrante, devaient fournir à la marine les meilleurs élémens de fret.