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notre démocratie, telle que je la vois et la conçois; oui, elle coule à pleins bords dans cette belle France, plus que jamais favorisée du ciel. Que d’autres s’en affligent ou s’en courroucent : pour moi, je rends grâce à la Providence de ce qu’elle a appelé aux bienfaits de la civilisation un plus grand nombre de ses créatures[1]. »

L’orateur commence par accorder que la démocratie ou l’égalité, — car, dit-il, c’est le vrai nom de la démocratie, et je le lui rends, — est imprégnée dans toutes les institutions civiles du pays; il cherche ensuite la place de la démocratie dans les institutions politiques et ne la trouve pas; il demande si elle possède quelque institution populaire, quelque magistrature, ouvrage de ses mains; il remarque que notre société est tout entière sous la main du gouvernement, que pas un détail n’échappe au pouvoir, et il en conclut qu’elle n’a pas d’autre ressource que la contradiction ou l’opposition, et que, comme elle ne contredit et ne s’oppose que par la presse, il doit être interdit de lui ôter cette liberté. Ces énergiques efforts ne purent, cette fois, arracher à la faction de droite la proie qu’elle convoitait, et la liberté de la presse fut sacrifiée.

Le parti de la contre-révolution était maître au dedans; il voulut le devenir au dehors; il décréta de faire la guerre à la révolution espagnole. M. de Villèle résista lui-même long-temps aux efforts de son parti, et il se forma dans la chambre une nouvelle opposition de droite contre le ministère de la droite. Enfin, en 1823, M. de Villèle céda aux impatiences domestiques et, comme il eut la candeur de l’avouer lui-même, aux injonctions extérieures. M. Royer-Collard s’opposa à cette guerre entreprise pour rétablir le pouvoir absolu; malgré les avertissemens qu’en fidèle et courageux serviteur il donna au trône, la guerre d’Espagne s’accomplit.

L’année suivante, le ministère reprit le projet, qui avait échoué en 1816, de substituer au renouvellement partiel, mais annuel de la chambre, le renouvellement intégral, séparé par un intervalle, non plus de cinq ans, mais de sept ans. On voulait conserver le plus long-temps possible une majorité favorable au parti de la contre-révolution. M. Royer-Collard, dans son discours du 3 juin 1824, revint d’abord à son ancien langage de 1816 : il représenta le renouvellement intégral comme appartenant plus au principe républicain qu’au principe monarchique, comme donnant à un jour marqué une plus grande force à la chambre élective qu’à la royauté, et il répéta qu’en Angleterre le renouvellement intégral avait peu à peu limité, resserré, envahi la monarchie et y avait substitué une république aristocratique. Mais le danger que courait la France n’était pas celui-là; il sentait bien que

  1. Discours du 22 janvier 1822.