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de la majorité pouvait faire croire que la nation comprenait ses véritables intérêts, l’orateur n’avait plus à mettre de côté l’opinion du pays : il en tenait au contraire un très grand compte, et il voulait lui faire place dans les tribunaux comme dans les assemblées politiques.

Dans la session qui s’ouvrit à la fin de 1818, le ministère, qui était alors dirigé par M. de Richelieu, pencha visiblement vers le côté droit. Lors de l’élection des candidats à la présidence, il appuya M. Ravez contre M. de Serre, et fit nommer le premier. Le bruit courut alors que M. de Richelieu avait mission de former un nouveau cabinet dans lequel ne serait pas compris le ministre de la police, M. Decazes, le principal promoteur de l’ordonnance du 5 septembre, qui n’avait pas été pardonnée par le côté droit; mais le ministre de la police, en grande faveur auprès du roi, renouvela en quelque sorte la journée des dupes, et renversa ceux qui voulaient le renverser. Il devint ministre de l’intérieur, et fit nommer M. de Serre ministre de la justice. M. Royer-Collard resta d’accord avec le nouveau ministère, et le soutint de sa parole et de son autorité : le gouvernement défendait alors les vrais intérêts du pays.

Cependant l’opposition de droite était toujours préoccupée du désir de faire prédominer le culte catholique. Cette tendance ne tarda pas à se révéler dans la discussion d’une loi sur la liberté de la presse. L’opposition de droite voulait que l’on punît les offenses à la religion et non les offenses à la morale publique, alléguant qu’il n’y avait point de morale sans religion, ce qui est vrai si on entend parler de la religion commune à tous, ce qui n’est plus vrai si l’on entend parler exclusivement de la religion catholique. M. de Serre prononça, en qualité de garde-des-sceaux, un excellent discours dans lequel il montra que le lien commun des Français n’était plus le culte, mais la morale; que la morale publique est celle qui est révélée par la conscience à tous les peuples, comme à tous les hommes, parce que tous l’ont reçue de leur divin auteur en même temps que l’existence; qu’il n’est jamais arrivé que tous les caractères sacrés de cette morale publique aient été effacés; que plus une religion a sanctionné cette morale commune à toutes, plus elle a été sainte, et que c’est l’honneur immortel du christianisme de l’avoir portée au dernier degré de pureté et de sublimité.

Ces principes étaient ceux de M. Royer-Collard. Il avait souvent pris en main la cause de la philosophie qu’on attaquait déjà, et qu’on voulait retrancher des études. « Le pays qui a donné Descartes à l’Europe, avait-il dit, ne repoussera pas le flambeau allumé par ce grand homme. Sans la philosophie, il n’y a ni littérature ni science véritable. Si de pernicieuses doctrines se sont élevées sons son nom, c’est à elle, non à l’ignorance, qu’il appartient de les combattre, à elle seule qu’il est